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Jean Lapaume
Biographie
de Jean Lapaume
Jean Lapaume est né
à Langres, fils de
François Lapaume et Libère Juré.
François
Lapaume s'était engagé dans le 2e bataillon des
volontaires de l'Aube, en 1792, à l'âge de seize
ans. Il
est ensuite passé au 12e régiment de chasseurs
à
cheval. Il a été blessé deux fois, la
première d'un biscaïen, à Marengo, et la
seconde
d'un boulet de canon qui lui emporta le bras gauche, à la
bataille d'Iéna (son fils signera parfois ses
œuvres : « Le fils d'un manchot
d'Iéna») Il a été admis
à la retraite
en 1807 et s'est retiré à Langres.
Libère
Juré a été choisie comme
rosière par la
ville de Langres, parmi les jeune fille à marier, pour
commémorer le couronnement de l'Empereur. Fille d'un
boucher,
elle était d'extraction modeste. Elle ne savait pas
écrire. Le mariage a eu lieu à Langres le 6
décembre 1812. Jean Lapaume est né le 4 septembre
1813,
mais son père avait déjà
quitté le foyer
conjugal depuis 3 mois. François Lapaume, que son fils n'a
rencontré qu'une fois, a été
reçu aux
Invalide de Paris, où il est mort le 9 mai 1835. Jean
Lapaume a
été élevé par sa
mère, dans une
atmosphère très religieuse.
Après avoir
été
élève des Frères de l'école
chrétienne, Jean Lapaume entre au collège de
Langres,
comme boursier de la ville. Il y fait toute sa scolarité,
jusqu'au baccalauréat-ès-lettres, qu'il obtient
en 1832.
Il s'engage alors dans une carrière de professeur. Il
débute au collège de Mâcon comme
maître
d'études et régent de la classe
élémentaire. Jusqu'à sa nomination
à
Versailles en 1851, il est passé par de très
nombreux
collèges : Vassy (1833-1834), Cluny (1834-1836), Bar-le-Duc (1836), Charleville (1836-1838), Bar-le-Duc
(1838), Remiremont (1839), où, pour la première
fois, il
devient professeur de seconde, Saint-Jean d'Angély (1840),
où il rencontre sa future épouse,
Châtellerault
(1841-1842), où il devient professeur de la classe de
rhétorique, Romans (1842), Roanne, pour quelques jours en
1843,
Nevers (1843-1844), Ajaccio (1844), où il refuse d'aller et
demande un congé d'un an, Paris, comme maître
d'études supplémentaires au collège
Louis-le-Grand
(1844), Joigny (1845), où il enseigne aussi l'italien et
l'anglais, Troyes (1846-1851), comme professeur de lettres et grammaire
en seconde au collège de la ville. Entre temps, il passe ses
grades universitaires :
licencié-ès-lettres (1835),
puis docteur-ès-lettre (1850) devant la Faculté
des
lettres de Dijon.
Ces très nombreuses
mutations sont le reflet
de difficultés récurrentes rencontrées
dans de
nombreux postes. Selon ce qu'il en rapporte dans son autobiographie, il
semble souvent qu'il s'agisse de conflits d'ordre politique et
religieux. Sa mise en avant d'une religiosité catholique
marquée, voire militante, semble l'avoir mis en
difficulté auprès des autorités. C'est
le cas
à Nevers, ce qui explique son envoi à Ajaccio en
« disgrâce ». De
même, à
Troyes, où un conflit politique avec un commissaire du
gouvernement le fait envoyer à Blois. Il obtient de rester
jusqu'au vacances, jusqu'à ce qu'il obtienne
d'être
nommé en octobre 1851 comme professeur en classe de
rhétorique supplémentaire au collège
de
Versailles. Dans ces différents conflits, il y a
probablement
une composante liée à sa personnalité,
mais cela
n'apparaît qu'en filigrane.
Dans cette classe de
rhétorique
supplémentaire de Versailles, Jean Lapaume a des
difficultés : « Cette malheureuse classe
est un foyer
permanent de désordre, un sujet d'affliction et de scandale
pour
les familles. Incapable de maîtriser ses
élèves, le
professeur [Jean Lapaume] est le plus souvent obligé de
faire
intervenir le censeur. ». En octobre 1852, cette classe
de
rhétorique supplémentaire est
supprimée et Jean
Lapaume est nommé au collège de
Chalons-sur-Marne. Il
demande alors un congé qui sera renouvelé
plusieurs fois.
En 1857, il s'interroge :
« En 1832, trois adolescents étaient
assis
côte-à- côte, dans la même
classe, sur les
bancs du collège de la petite ville de Langres : Guillemin,
Lapaume et Pierron.
Les deux premiers sont aujourd'hui docteurs ès-lettres, et
le troisième le sera quand il voudra.
Guillemin est recteur de l'Académie de Douai et Pierron
professeur au lycée Saint-Louis, de Paris, tandis que
Lapaume,
qui jusqu'ici est parvenu à n'être rien, demeure
en
état de disponibilité à Versailles
depuis plus de
quatre ans.
Pourtant J. L. n'a manqué ni de chefs qui l'aient bien
noté, ni de protecteurs puissants, ni même d'amis
courageux et fidèles.
Où donc est l'influence occulte qui persiste à
tout paralyser ? »
Il reste ainsi à Versailles
jusqu'à
son départ pour Rennes comme professeur de seconde au
lycée impérial en 1858. Enfin, en septembre 1862,
Jean
Lapaume est chargé du cours de littérature
étrangère à la Faculté des
lettres de
Grenoble. Il y restera jusqu'à sa mise à la
retraite en
octobre 1869, étant alors « hors
d'état de
continuer ses fonctions » sans que l'on en sache
plus. Il
s'installe alors à Paris en 1870. On le retrouve ensuite
dans sa
ville natale à partir de 1874. Il est
décédé à Langres le 20
décembre
1881, dans son domicile de la rue du Petite-Cloître,
à
l'âge de 68 ans.
De son mariage à Paris en 1842 avec Laure
Poitevin (1823-1906), originaire de Saint-Jean d'Angély, il a eu de
nombreux
enfants (nous en avons trouvé 11), dont
l'aîné,
Raphaël, a longtemps été professeur de
grammaire au
Lycée de Melun.
Jean
Lapaume, écrivain
Jean Lapaume a laissé une
œuvre
écrite très importante. Il débute par
des articles
dès 1835, mais, de son aveu même, c'est
à
Charleville qu'il commence vraiment à
écrire :
« Pendant son séjour à
Charleville, J. L.
s'était essayé à diverses compositions
littéraires, tant en prose qu'en vers. ».
Il publie
son premier ouvrage en 1841 à Remiremont, dans les
Vosges :
« J. L. y avait composé et
publié Il
Manuale cattolico ou Le
Manuel catholique,
en italien et en français, à l'usage des
collèges,
séminaires et institutions des deux sexes. Ce livre [est] le
premier-né de l'auteur ». A partir de ce
moment-là, il ne cessera d'écrire. Il n'existe
pas de
bibliographie de ses ouvrages, d'autant plus qu'il en a
publié
certains anonymement (Le
Manuel catholique
est simplement signé J. L.), et d'autres sous des
pseudonymes
comme Palma. En plus des ouvrages publiés, il a commis une
foule
d'articles dispersés dans de nombreuses revues de
sociétés savantes. Pour sa seule
activité à
Grenoble, nous en ferons le détail ci-dessous. Il avait pour
habitude de se faire recevoir par de nombreuses
sociétés
savantes, celles des villes où il résidait
temporairement, mais pas seulement. Il leur soumettait alors de
nombreuses communications. Il a aussi été un
contributeur
actif de L'Intermédiaire
des chercheurs et curieux.
Hormis quelques œuvres de la
fin de sa vie,
ses ouvrages sont des études de philologie historique. Dans
chacune des villes où il réside suffisamment
longtemps,
il s'intéresse à l'histoire locale. Par exemple,
à
Troyes, il publie en 1850 : Diverses Inscriptions grecques
trouvées à Troyes et autres lieux voisins,
suivi l'année suivante par Antiquités
troyennes jusqu'ici négligées ou
méconnues.
Inscriptions latines faisant suite à nos inscriptions
grecques.
Au même moment, il fait
paraître les
deux volumes de ses thèses de doctorat, respectivement en
latin
et en français : De Euripidis vita et fabulis,
Paris, Firmin Didot, 1849 et De
l'Authenticité des Poèmes d'Homère,
Troyes, Anner-André, 1849.
La grande œuvre de sa vie est
le fruit de son
travail lors de son séjour à Versailles,
où il met
à profit ses années de congé. C'est,
en 3
volumes : La
philologie
appliquée à l'histoire, autrement origine et
valeur des
six noms Versailles et Trianon, Paris, Louvre, Tuileries et
Louis-Napoléon, par J. Lapaume,
Docteur-ès-lettres, Professeur de Rhéhorique
supplémentaire au Lycée de Versaille.
L'avant-propos du
premier volume est daté du 9 février 1852. Celui
du
deuxième volume, qui concerne plus
particulièrement
Louis-Napoléon, est daté de Versailles, 15 juin
1854.
Enfin, l'avant-propos du troisième volume est
daté de
Versailles, le 26 septembre 1855. Jean Lapaume y annonce que la
Philologie a été commencé en janvier 1852 et
« ne doit
pas être publié avant le mois d'août
1856 ». Ce dernier volume concerne aussi
Louis-Napoléon. Il contient un récit
très
circonstancié de sa vie (pp. 348-463), qui nous a servi en
partie de base pour cette notice. Il s'agit surtout d'un plaidoyer pro domo
pour appeler l'attention sur sa situation après 4 ans de
congé plus ou moins forcé à
Versailles. Il annonce
ainsi le grand projet de sa vie, qui ne verra pas le jour :
« J. L. s'applique tous les jours, en vue d'un
travail qui
sera l'œuvre de sa vie entière, les Origines Européennes
et manifestes de tous les mots de la langue française,
à comparer, à approfondir le grec moderne,
l'italien,
l'espagnol, l'allemand et l'anglais, avec cette différence
qu'en
fait de langues et de littératures, il aime mieux celles du
midi
que celles du nord. »
Parmi la multitude de sujets sur
laquelle il s'est
exprimé, nous pouvons citer l'épitaphe
du tombeau
de Montaigne à Bordeaux, L'Hermine et la Bretagne,
l'importance
du grec et du latin pour l'étude, Dante et la Divine comédie,
les usages de la vie commune chez les anciens, le
Président Barnabé Brisson, les dangers d'une
méthode uniforme dans l'enseignement des langues, la parure
au
temps jadis, la signification du plus ancien nom de la Savoie, la
prononciation grecque, les inscriptions latines de Richelieu
à
la Sorbonne et l'inscription grecque de Beaucaire, le
prieuré de
Joigny et Jeanne d'Arc, etc.
Après son installation
à Langres, il
ne publie plus que des petits textes à usage
privé, voire
familial, comme un Épître
à Mme Rojnitza, née Lapaume, ou A J. Carbo, pour le jour de sa
fête, bouquet d'un sien neveu. Son dernier texte
publié, un an avant sa mort, est une petite plaquette de 3
pages : Le
Livre de bord, autrement la Traversée de la vie.
Pour être complet, signalons
qu'en 1853 et 1854, Jean Lapaume a été
rédacteur en chef de L’Émulation,
un journal pour la jeunesse fondé à Versailles.
Il y
publie « l'esquisse d'un cours de
littérature
composé dans son entier, exemples et préceptes,
en vue
des classiques désignés pour le
baccalauréat, la
licence et l'agrégation. ».
Jean
Lapaume en Dauphiné
Alors professeur de seconde au
Lycée de
Rennes, Jean Lapaume est désigné le 29 septembre
1862
pour prendre en charge le cours de littérature
étrangère à la Faculté des
lettres de
Grenoble. Comme il le dit lui-même :
« Quand en
1862, sur la fin d'octobre, j'arrivai de Rennes à Grenoble,
mon
premier souci fut de m'informer si ma nouvelle résidence
offrait
des ressources pour des études
philologiques. »
Grâce aux annonces dans L'Impartial Dauphinois,
nous savons que, lors du semestre qui débute en avril 1863,
il
professe un cours sur « la poésie
italienne: le
mardi, dans sa double origine tant provençale que sicilienne
;
le jeudi, dans Pétrarque, Boccace et
l'Arioste. ». En
novembre 1863, il débute un cours sur
« le
théâtre espagnol à ses trois moments,
dans les
chefs-d’œuvre de Cervantès, de Lope de
Vega et de
Caldéron ». Lors du premier semestre de
1865, il
s'intéresse alors au
« théâtre anglais
à sa période la plus brillante, dans les
chefs-d'œuvre de Shakspeare (sic) ».
Les années suivantes, il donne des cours sur les
littératures italienne, portugaise, etc.
A son arrivée à
Grenoble, il habite 3
rue Vaucanson. Rapidement, dès 1864, il emménage
avec sa
femme et ses 9 enfants au n° 11 de la rue Saint-Vincent-de-Paul
(actuellement rue Voltaire). Il semble y avoir vécu
jusqu'à son départ. Il est mis à la
retraite en
octobre 1869, car il est alors « hors
d'état de
continuer ses fonctions », mais semble avoir
déjà quitté Grenoble à
cette date. En
effet, en mai 1869, il n'est déjà plus inscrit
sur les
listes électorales de Grenoble et l'Académie delphinale ne le
compte
plus dans ses rangs en cette même année.
Sa
démission pour changement de domicile est
annoncée lors
de la séance du 15 janvier 1869. Il a donc passé
à
peu près 6 ans à Grenoble, de fin 1862
à fin 1868.
Pourtant, pendant ces 6
années, il aura été
particulièrement actif.
Jean
Lapaume, écrivain en Dauphiné
La première manifestation
littéraire
de Jean Lapaume à Grenoble est le discours d'ouverture qu'il
prononce à la Faculté des lettres de Grenoble, le
27
novembre 1862. Il vient d'arriver dans cette nouvelle affectation, pour
cette rentrée universitaire. Il traite de Dante et la Divine comédie.
Le texte est immédiatement publié par le libraire
Prudhomme en une plaquette de 45 pages.
Comme il l'a fait dans les autres
villes où
il a été professeur, il s'empresse de vouloir
adhérer aux sociétés savantes locales.
C'est ainsi
qu'il est reçu à Société de
statistique,
des sciences naturelles et des arts industriels du
département
de l'Isère, lors de la séance du 22 mai 1865,
présenté par Alexandre Charvet et Charles Lory.
Devant
cette société, il prononce trois communications,
mais un
seul texte est publié dans le bulletin :
- Mémoire sur Lesdiguières et sur la statue
d'Hercule qui
est dans le bois du Jardin de Ville, lu lors de la séance du
8
janvier 1866, qu'il lisait dans le même temps devant
l'Académie delphinale.
- Mémoire sur la symbolique chez les anciens, lu lors de la
séance du 14 mars 1867.
- Deux mots sur
l'épigraphie
du jour, autrement, Sur l'inscription latine de Richelieu à
la
Sorbonne et l'inscription grecque à Beaucaire,
lu lors de la séance du 27 mai 1867 et publié
dans le Bulletin
de 1867 : Un
mot de plus sur l'épigraphie du Jour. Inscriptions latines
de Richelieu à la Sorbonne. Inscription de Beaucaire
(pp. 118-142), signé en fin :
« J. Lapaume (Palma) ».
Pour lui, la grande affaire sera de se
faire
admettre à l'Académie delphinale. Il est
proposé
pour la première fois lors de la séance du 3
juillet
1863, présenté entre autres par Maignien, le
doyen de la
Faculté. Suite à des difficultés qui
ne semblent
pas toutes liées au candidat lui-même, il ne sera
admis
que lors de la séance du 27 janvier 1865, en remplacement de
M.
Jalabert, nommé doyen de la Faculté de droit de
Nancy.
Dès la séance suivante, le 10 février
1865, il lit
son discours de réception : Dangers d'une méthode
uniforme dans l'enseignement des langues.
Vu la longueur de sa communication, travers qui lui semble habituel, il
termine la lecture le 24 février suivant. Le texte est
publié dans le Bulletin de 1865, pp. 211-267. Il s'agit de
la
critique d'une grammaire de M. Sommer.
Les différentes lectures
qu'il a faites devant l'Académie sont :
- Mémoire
sur divers usages de la vie commune chez les anciens
(séances des 21 juillet et 24 novembre 1865),
publié dans le Bulletin
de 1865, pp. 311-338.
- Une énigme
en bronze ou l'Hercule du Jardin-de-Ville de Grenoble
(séances du 29 décembre 1865 et du 12 janvier
1866). J.
Lapaume « soutient que l'Hercule en question est un
groupe,
que ce groupe réunit deux personnages, le torrent
dévastateur de la contrée sous la forme d'un
dragon, et
Lesdiguières, avec les attributs d'Alcide, en un mot,
Lesdiguières, vainqueur du Drac. »
- Mémoire
historique et philologique sur la prononciation du vieux
français
(séance du 23 février 1866). Ce
mémoire a aussi
été lu au congrès des
Sociétés
savantes de la Sorbonne.
- Sur la parure au
temps jadis
(séance du 9 mars 1866). Comme le
précédent, ce
mémoire est destiné au congrès de la
Sorbonne.
- Une page des Annales
de la Grèce moderne (séance du 22
février 1867).
- Le Prieuré
de Joigny et Jeanne d'Arc (séance du 29 mars
1867), mémoire destiné au congrès de
la Sorbonne.
- Un mot de plus sur
l'épigraphie du jour, — les inscriptions latines
de
Richelieu a la Sorbonne, — et l'inscription grecque de
Beaucaire
(séance du 7 juin 1867), mémoire qu'il avait
déjà lu devant
la
Société de statistique, des sciences naturelles
et des
arts industriels du département de l'Isère en mai.
- Examen d'un livre
nouveau, ou Compte-rendu du dernier bulletin de la
Société de statistique
(séance du 3 juillet 1867) où Jean Lapaume
« a
cru devoir relever et réfuter divers points relatifs
à un
système d'orthographe appliqué à la
géométrie, à une question de
géographie,
à une question d'histoire naturelle et à une
épitaphe latine. »
A l'exception du premier, aucun de ces
textes n'a
été repris dans le bulletin. Pour les principaux
d'entre
eux, ils ont ensuite été publiés par
le libraire
Prudhomme.
Lors de la séance du 15
janvier 1869, il est
donné avis de la démission de M. Lapaume, membre
résidant, qui a changé de domicile, en
conformité
avec le règlement de l'Académie.
Il n'hésite jamais
à intervenir,
comme, lorsque, lors de la séance du 5 mai 1865, il
répond à M. Vallier par quelques observations, en
particulier sur le nom de Lesdiguières :
« pour
ce qui est du nom du dernier connétable de France, on
compte,
dit-il, jusqu'à trois manières de
l'écrire l'une,
érudite ou savante, l'autre, vulgaire et la
troisième,
héraldique. La façon savante est
L'esdiguières,
le-ès-Diguières, le seigneur ayant manoir dans
(es en
grec), les Diguières. La façon vulgaire est des
Diguières, le château des Diguières.
Enfin, la
façon héraldique par laquelle la particule
nobiliaire est
isolée afin de ressortir d'autant, est de
Lesdiguières
dont le domaine, ou les Diguières, fut
érigé par
Louis XIII en duché-pairie. »
Il a plusieurs fois
représenté
l'Académie lors de congrès, que ce soit au
congrès
scientifique de France à Chambéry en 1863,
où il
présente Histoire
et philologie. Origine et signification du plus ancien nom de la Savoie
qui sera ensuite publié, ou lors des congrès des
Sociétés savantes à la Sorbonne,
où il
présente des mémoires qui sont aussi lus devant
l'Académie delphinale.
Enfin, pendant son séjour
à Grenoble,
il se penche sur le patois régional. Comme il le dit, lors
de
son arrivée à Grenoble, « mon
premier souci
fut de m'informer si ma nouvelle résidence offrait des
ressources pour des études philologiques. Dès le
premier
jour, je mis la main sur les poésies patoises et j'en fis en
quelque sorte ma province. » Il se lance dans la
publication
de textes en patois de Grenoble dans la Bibliothèque
Elzévirienne de la Romane du Midi.
En définitive, seuls deux tomes, sur les quatre initialement
prévus, ont paru en 1866, chez le libraire
Prudhomme :
- Anthologie nouvelle
autrement
recueil complet des poésies patoises des bords de
l'Isère. Tome 1, Théâtre de Jean Millet.
- Anthologie nouvelle
autrement Recueil complet des poésies patoises des bords de
l'Isère. Tome IVe et dernier,
miscellanées, qui contient 25 textes du XVIe
au XIXe siècles.
Il semble que ce soit le 4e tome qui a paru le
premier.
L'édition du premier volume n'a pas
été
menée à son terme, certains disent même
qu'elle a
été détruite. Les deux autres volumes
n'ont jamais
paru. Leur publication a donné lieu à un
échange
assez vif devant l'Académie delphinale entre Félix Crozet et
Jean Lapaume (voir la notice du tome IV de cette Anthologie).
L'homme
et l'écrivain
A part quelques éloges de
circonstances,
comme le billet de Saint-Beuve en réponse à son
envoi du
tome IV de l'Anthologie,
l'article dithyrambique d'Ernest Dottain sur cette même Anthologie, dans le
Journal des
Débats,
ou les différentes lettres de soutien
qu'il rapporte
lui-même dans son autobiographie, les jugements qui sont
portés sur ses travaux, voire sur l'auteur
lui-même, sont
particulièrement critiques. A titre d'exemple, nous avons
sélectionné ces quelques extraits :
« nous bornant
à conseiller de ne
pas accepter sans contrôle certains rapprochements
littéraires indiqués par l'auteur, et qui sont ou
fort
contestables ou cherchés bien loin. »,
sur
l'édition du roman d'Apollonuis de Tyr, article d'A.
Chassang
dans L'Athenæum
français (1856).
« M. Lapaume
reconnaît dans cette
tapisserie les véritables armoiries de Grenoble, qui
seraient
trois marguerites, et non trois roses, comme le prétendent
tous
les héraldistes, et comme on peut les voir sur le sceau de
cette
antique cité. [...] Au milieu des hardiesses de ce jeu
d'esprit,
l'auteur a su encadrer un essai sur les origines de la fabrication des
tapisseries. » à propos de son
mémoire Le
mot d'une énigme sur toile ou La tapisserie
allégorique,
lu devant le congrès des Sociétés
savantes,
à la Sorbonne, dont le compte-rendu est donné
dans la Revue des
sociétés savantes de la France et de
l'étranger, 1863.
Autre exemple de jugement sur sa
méthode dans le compte-rendu de son mémoire
sur Le mot
d'une énigme en bronze, ou le Groupe du Jardin de la Ville
de Grenoble,
lu lors du congrès de 1865 :
« Sur ce
thème, M. Lapaume a brodé toutes sortes de
caprices
philologiques et historiques avec une verve spirituelle que nous avons
déjà eu l'occasion de louer, mais
peut-être aussi
avec une trop grande profusion de recherches qui souvent ne se
rattachent au sujet que par d'ingénieux tours de
force. »
Enfin, toujours dans la même
revue, à
propos du congrès de 1866 : « M.
Lapaume, membre
de l'Académie delphinale, professeur à la
Faculté
des lettres de Grenoble, a lu un Mémoire
sur la parure au temps jadis. Le nom de Mémoire
convient-il bien à ce discours, dans lequel l'auteur nous
paraît s'être trop complu à montrer son
esprit. Le
mien est peut-être mal fait ; mais, si j'ai bien
compris
l'attitude de l'assemblée, il m'a semblé qu'elle
aurait
préféré voir le savant professeur se
servir de son
érudition pour nous apprendre quelque chose, à
tous tant
que nous sommes qui l'écoutions, que de l'entendre entasser concetti sur concetti.
On n'analyse pas un feu d'artifice. Je me bornerai donc à
redire
à M. Lapaume ce que je me suis déjà
permis de lui
dire, à peu près dans les mêmes termes,
à
savoir qu'il faut encore plus d'esprit que n'en eut jamais Voltaire
lui-même pour faire avec succès de
l'érudition
spirituelle à outrance. »
A propos de son admission à
l'Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de
Bordeaux, les Actes
de cette académie de l'année 1860 rapportent les
débats qui ont eu lieu à ce sujet. Rappelons
qu'en 1859,
Jean Lapaume avait publié une étude sur
l'épigraphe du tombeau de Montaigne. :
« M.
Delpit, qui connaît les travaux de M. Lapaume,
[…]
signale quelques étymologies qui lui paraissent
excessivement
bizarres et nullement logiques. Il accuse l'auteur d'une
excentricité excessive, allant presque jusqu'à
l'illogisme. Il cite quelques étymologies tout à
fait
inadmissibles. » « M.
Dégranges, en
s'associant aux critiques de ses collègues, fait encore un
reproche à l'auteur de ce que, dans ses ouvrages, il se loue
trop lui-même, et se sert des éloges qu'on lui a
donnés comme d'une sorte de
réclame. »
Les textes les plus
sévères sont ceux parus après son
décès dans L'Intermédiaire
des chercheurs et curieux, revue à laquelle il
a beaucoup contribué.
Dans le numéro du 20 janvier
1882, son décès est annoncé :
« le 20 décembre, est
décédé,
à Langres. M. Jean Lapaume (J. Palma), ancien professeur
à la Faculté des Lettres de Grenoble, qui
était
animé d'un grand zèle «
intermédiairiste
», mais nous a donné plus d'une fois (ainsi
qu'à
nos lecteurs) bien du fil à retordre ! Son
écriture,
quoique bonne en soi, était enchevêtrée
de
façon inextricable. Grand ami de notre ancien collabo,
l'aimable
et savant helléniste, feu Dubuer, il était
lui-même
fort instruit, mais d'une instruction compliquée et
à
idées excessives et bizarres, – comme on l'a pu
voir,
lorsqu'il est rentré naguère dans notre lice pour
certaines longues réponses sur Diderot (soi-disant) et sur
les
Corsets (XIV, 422, 529). Il aurait aisément rempli nos
numéros de sa prose, de ses répliques, dupliques
et
tripliques, farcies de grosses « pilules de grec et de latin
».
Il avait été l'objet d'une erreur
singulière, et
dont il paraissait ne s'être pas aperçu, mais
qu'un
correspondant (M. H. L.) nous rappelait récemment. On nous
avait
affirmé qu'il était
décédé en
1870-71, et nous l'avions quelque part (nous ne savons plus
où)
enregistré comme mort. Grande fut donc notre surprise,
lorsque
tout à coup il ressuscita, le 2 mai dernier, en nous faisant
un gros
envoi, accompagné de cette lettre : « Un des
ouvriers de
la première heure reprend la pioche et vient de nouveau
travailler au vignoble de l'Intermédiaire... »
—
Cette fois-ci, pas d'erreur, la lettre de faire part est là,
notre pauvre collabo est allé se reposer dans un monde
meilleur,
après avoir bataillé ici-bas durant 69
années.
Requiescat in pace. »
En 1883, sur le même ton, ils
reviennent sur ce « collabo » de
la Revue :
« Il y a bien, il est vrai, quelques correspondants qui
répandent plus de gaieté que de
lumière
véritable. L'un des plus extraordinaires, au
début, a
été un certain Palma, de son vrai nom Lapaume,
qui se
répandait en étymologies qui eussent fait
pâlir
l'intrépide Ménage : c'est ainsi qu'il
imagina de
faire dériver corset
de courir,
parce que le lacet qu'on défait se livre à une
véritable course. Une ou deux fois on le crut
mort ; il
reparut après dix ans d'absence,
s'écriant : Non,
non, je ne suis pas mort ; j'avais cru que l'Intermédiaire
était mort; je ne suis pas fâché de
ressusciter
pour vous dire que je suis de Langres, que je ne suis pas du tout fier
d'être le compatriote de Diderot, et qu'il n'y a qu'un homme
qui
ait fait honneur à mon pays natal, c'est François
Roger,
membre de l'Académie français. Et la dissertation
était copieuse, je vous en réponds.
Connaissez-vous
l'illustre François Roger ? Après ce
prodigieux
effort, Lapaume, dit Palma, se résigna à
s'endormir
définitivement dans la Paix du Seigneur.
En 1900, son souvenir est encore
vivace. On se
rappelait « une intervention du notable hurluberlu
qui
signait J. Palma et qui avait nom Lapaume. »
Jean Lapaume n'est cité qu'incidemment dans Les Fous littéraires, d'André Blavier, dans une note du chapitre Myth(etym)ologie (p. 265). Par certains aspects, il aurait mérité d'appartenir à ce dictionnaire, même si sa folie reste tout de même sous contrôle.
Signature
en 1853 |
Signature
en 1871 |
Ouvrages de cet auteur sur ce site
Anthologie nouvelle autrement
Recueil complet des poésies patoises des bords de
l'Isère. Tome IVe et
dernier,miscellanées.
Recueil
de
poésies en patois du Dauphiné,
édition de 1878
Sources (Voir : Liste des sources et références)
Généalogie de
Jean Lapaume : cliquez-ici.
Bibliographie sur le site de la BNF (data.bnf.fr) : cliquez-ici.
Lien vers l'autobiographie de Jean Lapaume, incluse dans le tome III de
La
philologie
appliquée à l'histoire (pp. 348-463)
: cliquez-ici.
Autres sources :
Etat civil de Langres, Paris, Versailles, Troyes, Rennes et Grenoble.
Recensements et listes électorales de Grenoble.
Dossier de la Légion d'honneur de François
Labaume.
Bulletins de la Société de statistique, des
sciences naturelles et des arts industriels du département
de l'Isère (Gallica)
Bulletins de l'Académie delphinale (Gallica).