Blason Dauphiné BIBLIOTHÈQUE DAUPHINOISE Armoiries Hautes-Alpes
ACCUEIL LISTE DES OUVRAGES LISTE DES PERSONNES ACTUALITES CONTACT
PAGE THÉMATIQUE : Exploration du Haut-Dauphiné(Oisans/Ecrins)

F. F. Tuckett [publié et annoté par le Rev. W.-A.-B. Coolidge]

A Pioneer in the High Alps.
Alpine diaries and letters of F. F. Tuckett, 1856-1874.

Description de l'exemplaire  (Voir : Notes sur la description des ouvrages)

London, Edward Arnold, 1920, in-8° (220 x 140 mm.), X-[2]-372 pp.
Un portrait photographique en frontispice, 5 planches photographiques et 2 planches dépliantes (profils de montagne) hors texte.
lib_ouvrage : titre lib_ouvrage : reliure

Pour agrandir, cliquez sur les photos

Notes sur l'exemplaire

Pleine percaline marron (reliure d'éditeur).

Notes sur l'ouvrage

Cet ouvrage est la publication des journaux et des lettres de Francis Ford Tuckett écrits durant ses explorations dans les Alpes entre 1856 et 1874. Cet ouvrage intéresse plus particulièrement le Dauphiné, car il contient les lettres et les journaux relatifs à son exploration du massif des Écrins en 1862. Ce sont les matériaux de base des articles qu'il a fait paraître en 1863 dans l'Alpine journal et qui représentent un des premiers récits des visites des voyageurs anglais dans le massif des Écrins, contemporains de ceux de Whymper et Bonney. Ces textes originaux, pris sur le vif et reproduits tels quels, annotés et commentés par le Rev. W.-A.-B. Coolidge permettent de comprendre plus précisément les incertitudes des premiers voyageurs anglais sur la topographie interne du massif. Ils restituent aussi un aspect plus vivant et plus quotidien de ses séjours dans le massif, ce qui a été le plus souvent gommé ou atténué dans les articles qui résument ses observations.

Contenu de l'ouvrage :

Faux titre + titre : pp. I-III.

Introduction (pp. V-VIII). L'introduction contient un résumé de la vie de Francis Fox Tuckett, signé en fin E.H. (Eliot Howard, selon le catalogue de la British Library). Il est précisé que c'est le Rev. W.A.B Coolidge qui a assuré la transcription des manuscrits, rapportant « the great pain he has taken in deciphering and editing F. F. Tuckett's journal, written in small  note-books an in pencil, generally on the mountain-side. » [«La grande difficulté qu'il a éprouvée à déchiffrer et à éditer le journal de F. F. Tuckett, écrit dans de petits carnets et au crayon, généralement à flanc de montagne. »]

Contents (pp. IX-X).

List of illustrations and sketches (p. [XI])

L'ouvrage contient quinze chapitres qui couvrent l'ensemble des explorations du F. F. Tuckett dans les Alpes entre 1856 et 1874. Chaque chapitre contient le journal (Diary) et les lettres correspondantes (Letters). Coolidge a rédigé des textes d'introduction, de présentation ou de liaison, ainsi que des commentaires éclairant le contenu des journaux ou des lettres. Pour le Dauphiné, Coolidge met en perspective les écrits de F. F. Tuckett avec les questions de topographie encore hésitantes au moment de cette première exploration, par exemple sur l'identification de la crête du Pelvoux et de l'Ailefroide. Il met aussi en regard les observations de F. F. Tuckett avec celle de E. Whymper. Il relève en particulier la confusion encore faite dans les journaux entre le Goléon et la Meije. Les notes de bas de page renvoient essentiellement aux deux articles de F. F. Tuckett parus dans l'Alpine journal : A night on the summit of Monte Viso (Vol. I, n° I, march 1863, pp. 26-33) et Explorations in the Alps of Dauphiné, during the month of July, 1862 (Vol. I, n° IV, december 1863, pp. 145-183) ou aux croquis reproduits dans Hochalpenstudien, que Coolidge appelle Liebeskind du nom de l'éditeur.

Le chapitre concernant le Dauphiné est le cinquième : V - Eastern Graian Alps, Monte Viso, Dauphiné Alps (pp. 119-146). Les autres chapitres concernent majoritairement les Alpes suisses et accessoirement les Dolomites. Les Alpes savoyardes (Chamonix) sont peu explorées, sauf en 1861 et 1862.

Summary of Tuckett's Alpine expeditions, 1856 to 1874 (pp. 359-360).

Index (pp. 360-372).

Je n'ai pas réussi à localiser les manuscrits originaux des journaux et des lettres de F. F. Tuckett.

L'exploration des Alpes dauphinoises

Le séjour dans le Dauphiné débute après une tentative au dôme de Miage (18 juin 1862). F. F. Tuckett part en Italie et revient en France le 2 juillet par le col de Seylières et le col de Vallante. Il est accompagné des guides Michel Croz et Peter Perren. Le détail chronologique de son séjour en Dauphiné est le suivant :
- 4 juillet : Ascension du Mont Viso et nuit au sommet.
- 5 juillet : Retour à Chianale.
- 6 juillet : Trajet de Chianale à Guillestre, par le col Agnel (Col dell'Agnelo).
- 7 juillet : Trajet de Guillestre à Vallouise.
- 8 juillet : Bivouac à la Grotte de Soureillan, au pied du Pelvoux.
- 9 juillet : Journée au pied du Pelvoux.
- 10 juillet : Ascension du Pelvoux et retour à Celse-Nière.
- 11 juillet : Retour à Ailefroide.
- 12 juillet : Exploration du Glacier Blanc et descente vers la Bérarde par le col des Écrins. Ils ne tentent pas les Écrins.
- 13 juillet : Exploration autour de la Bérarde.
- 14 juillet : Trajet de la Bérarde à Vallouise par le col du Sélé.
- 15 juillet : Bivouac au lieu aujourd'hui connu sous le nom de Refuge Tuckett, sur les bords du glacier Blanc, en face du Pelvoux.
- 16 juillet : Abandon d'une tentative aux Écrins à cause du temps et trajet vers Bourg d'Oisans par le col du Glacier Blanc, l'Alpe de Villard d'Arène, La Grave. Ils prennent la diligence à Bourg d'Oisans pour Grenoble où ils arrivent le 17 juillet au matin.

Coolidge rapporte que F. F. Tuckett a illustré son journal avec dix-huit « admirable topographical sketches », qui sont des schémas représentant les montagnes sous forme de profils. Malheureusement, ils ne sont pas reproduits dans cette édition. Certains ont été gravés pour illustrer le guide Western Alps, de J. Ball (deux profils) et le premier guide Joanne du massif du Pelvoux (huit profils), tous les deux publiés en 1863. L'article de l'Alpine Journal, Explorations in the Alps of Dauphiné, during the month of July, paru aussi en 1863, contient trois profils. Enfin l'édition de ses textes en allemand à Leipzig en 1873 : Hochalpenstudien est celle qui contient le plus grand nombre de reproductions, avec onze profils du massif et un du Viso. C'est à cette dernière édition que se réfère Coolidge dans ses notes lorsqu'il veut renvoyer aux profils qui illustrent le journal de l'expédition.

Dans sa présentation des textes, Coolidge n'hésite pas à mettre en valeur les mérites de Tuckett, parfois de façon excessive. Il lui attribue d'avoir clarifié deux points topographiques importants :
- Ailefroide et la Crête du Pelvoux sont des sommets distincts.
- Les Écrins sont distincts du Pelvoux et d'Ailefroide, et c'est le point culminant de la région.
[« Tuckett cleared up two very important topographical points : (1) that the Ailefroide and the Crête du Pelvoux are distinct peaks, and (2) that the Ecrins is distinct from both the Pelvoux and the Ailefroide, and is the culminating summit of the entire region. »]

Rappelons que F. F. Tuckett a voyagé dans les Alpes du Dauphiné avec une reproduction des minutes de la carte d’État-major que lui avait fournie le dépôt de la guerre (l'ancêtre de l'I.G.N.). Or, les deux points que citent Whymper avaient déjà été complètement clarifiés par les ingénieurs de la carte d’État-major et apparaissent clairement sur les minutes. Au mieux, Tuckett n'a pu que le constater à nouveau et le confirmer, en particulier vis-à-vis des imprécisions de Whymper à ce sujet. Il est probable, comme on le verra dans sa description du panorama depuis le Pelvoux, que Tuckett avait des difficultés à faire le lien entre la copie de la carte d'État-major qu'il avait en mains, et ce qu'il voyait in situ. Probablement que cette copie était trop petite, ou pas assez détaillée, pour permettre une identification sans ambiguïté. Il est vrai que la Crête du Pelvoux, qui apparaît nommément sur la minute au 40.000e (voir ci-dessous) n'est pas reportée sur la carte imprimée au 80.000e. Tuckett l'a fait figurer sur la version de la carte d'État-Major colorée qui illustre les Hochalpenstudien et, de façon erronée, sur la carte du guide Ball. Tout cela peut donc laisser penser que Tuckett a fait un travail original d'identification. Comme on l'a dit, ces points avaient déjà été précisés. Pour être complet, c'est Coolidge qui attribue ce mérite à Tuckett. Le Reverend est toujours prêt à défendre et mettre en valeur l'action des alpinistes anglais. En revanche, Tuckett lui-même se montre beaucoup plus modeste dans ses articles. Jamais il ne s'attribue ce mérite. Il ne fait que rapporter ses propres observations et ses questionnements. Il ne les présente pas comme des « découvertes ».

Sur d'autres points, après le récit de la première visite au Glacier Blanc et le passage du col des Écrins, Coolidge n'hésite pas à dire : « Hence 12 July is a very important date in the history of the exploration of the High Alps of Dauphiné. » [« Le 12 juillet est donc une date très importante dans l'histoire de l'exploration des hautes alpes du Dauphiné. »] Dans le même ordre d'idée, il ne se fait pas faute de noter toutes les premières qui ont pu être réalisées par F. F. Tuckett, mêmes les plus modestes, comme le passage du col du Sélé.

Cela ne doit pas masquer le double intérêt de ce journal et de ces lettres. D'abord, ils donnent des renseignements sur le quotidien de ce voyage, qui n'apparaissent pas dans les articles qui le relatent : les horaires, les lieux où ils ont dormi, les personnes qu'ils ont rencontrées, le temps qu'il à fait, les tracas du quotidien des voyageurs, etc. Tout cela, F. F. Tuckett le restitue avec une pointe d'humour anglais. Ensuite, l'autre intérêt est qu'ils ont été écrits sur le vif et permettent ainsi de mesurer l'incertitude sur la topographie interne du massif, alors que F. F. Tuckett disposait d'une copie de la carte d'État-Major.

A cet égard, le passage le plus intéressant est la description du paysage depuis le sommet du Pelvoux, le 10 juillet 1862 :

Of the summits visible of the summit of the Pelvoux, beginning with the Goléon [written over the words " Aiguille du Midi de la Grave "], 3987 and 3911 mètres, we have further to the left or W. a fine mass of pinnacles probably the point 3754 near the Grand Ruine of the French map, though it appears to be higher. Then comes the Point des Arsines on the further side of the Glacier Noir and Col de la Tempe. It appeared to us that the easiest way to attack it would be to ascend the Glacier Blanc, and take it in reverse. Next comes the depression of the Col de la Tempe, and then W.S.W. of the Pelvoux another lofty summit, which exceeds the Pelvoux in height, and corresponds in position with the Aléfroide of Whymper. It is not inserted on the French map, but this is probably accounted for by the fact that it is invisible from the Pic de la Pyramide, where I presume Durand's observations were made. Next come two lofty summits, both, however lower than the Pelvoux, and apparently guarding the passage from the Glacier of Sélé (or Séléon as it is called in patois) to that of La Condamine [i.e. Pilatte], which we hope to effect to-morrow. It may, however, turn out that the pass really lies between the summit N. of the two summits and the Aléfroide. It is thus clear that the Pelvoux is exceeded by the Arsines and Aléfroide, and about equalled by the two highest summits of the Aiguille du Midi, as well as by the pinnacled summit between these last and the Arsines. [...] In my levellings I strangely omitted to include the splendid peak between the Arsines and the Goléon [word written over "Meidje"], but, before commencing the return, I levelled the telescope on it, and found the horizontal wire passed above it, in fact about as much as above the Goleon [word written over "Meidje"].

Ce texte appelle plusieurs remarques. F. F. Tuckett fait plusieurs fois l'erreur de confondre le Goléon avec la Meije, ce qui nous ramène au constat qu'avant lui, les voyageurs, lorsqu'ils sont au Lautaret, parlaient plus souvent du Goléon que de la Meije, qui était parfois appelée le « Grand Pelvoux ». Remarquons qu'il a lui-même corrigé son erreur dans le journal et, bien entendu, que l'on ne la retrouve plus dans ses articles. L'autre remarque, qui corrobore le fait que la carte dont il disposait n'était pas assez précise, ou difficilement lisible, est qu’il constate que l'Ailefroide n'est pas sur cette carte. Il s'appuie sur les observations de Whymper, qui avait, avant lui, noté la distinction entre le sommet du Pelvoux, la crête et Ailefroide. Whymper ne disposait pas de la carte d'Etat-Major et, dans sa compréhension de la topographie du massif, se fondait indirectement sur la carte de Bourcet, qui ne distingue par les deux sommets. Par ses observations, Tuckett confirme l'existence du sommet d'Ailefroide, alors qu'il était déjà connu des ingénieurs de la carte et qu'il devait donc apparaître sur la copie qu'il avait en mains. La dernière erreur est qu'il pense que la carte est le résultat des observations du capitaine Durand, alors qu'en réalité, elle est le résultat des levés de la campagne de 1852-1854. Ses conclusions sur les altitudes relatives des sommes d'Ailefroide, du Pelvoux et de la Meije sont erronées. Il y a peut-être un biais d'observation qui lui fait percevoir son point d'observation comme plus bas que les sommets qui l'environnent. Quant à la remarque sur l'altitude des « Arsines », elle ne fait que confirmer ce qu'indique la carte d'État-major.

Cet extrait des minutes originales de la carte d’État-major au 40.000e (source Géoportail) nous montre bien que les clarifications de F. F. Tuckett sont des confirmations et non des découvertes.


lib_ouvrage
Pour agrandir, cliquez sur les photos

Dans un album Tuckett conservé aux Archives départementales des Hautes-Alpes dans le fonds Guillemin, se trouve une photographie qui semble être la copie des minutes de la carte d'Etat-Major dont disposait F. F. Tuckett (ce point reste à confirmer). Vu sa petite taille, on comprend mieux qu'il ait eu du mal à en tirer toutes les informations qui apparaissent clairement sur les minutes originales.

Lien vers une transcription des passages du chapitre V intéressant le Dauphiné : cliquez-ici.

Portrait de F. F. Tuckett

L'ouvrage contient deux portraits photographiques de Francis Fox Tuckett. Le premier, en frontispice, date de 1868. Il est donc presque contemporain de l'époque de ses explorations dans le Dauphiné. Le second, qui fait partie des planches photographiques illustrant l'ouvrage, le représente en 1910, à 76 ans, trois ans avant son décès.


lib_ouvrage lib_ouvrage
Pour agrandir, cliquez sur les photos

Références  (Voir : Liste des sources et références)

Perret, 4345 : « 1re édition. Compte-rendu des ascensions de Tuckett, d'après son journal et ses lettres, présentés et annotés par W.A.B Coolidge. Les récits concernent notamment le Dauphiné (Pelvoux, Viso...) et les Dolomites de Brenta. Cet important ouvrage sur l'un des principaux pionniers de l'âge d'or de l'alpinisme n'a jamais été traduit ni réédité. Peu courant. »

Un seul exemplaire au CCFr :
CHAMBERY - Médiathèque Jean-Jacques Rousseau : SAV A 822