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[André Latour]
Episode de 1815 dans le Briançonnais, par Breistroff.
Description de l'exemplaire (Voir : Notes sur la description des ouvrages)
Grenoble,
Imprimerie de Prudhomme, 1850 In-8° (221 x 140 mm), 56 pp. Vignette au titre et sur la couverture. |
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Notes sur l'exemplaire
Broché.
Inscription manuscrite sur la couverture, sous le nom de Breistroff :
"(M. Latour, plus tard Présidt du tribl
civil de Grenoble)."
Notes sur l'ouvrage
Evocation très personnelle
du blocus de
Briançon en 1815 et, plus particulièrement, de
quelques
événements qui ont touché
Saint-Chaffrey, lors de
la présence des Piémontais dans la
vallée.
L'ouvrage se présente comme le récit d'un
vieillard de
Saint-Chaffrey qui se remémore ces pages d'histoire
briançonnaise, mêlant des souvenirs historiques
–
blocus et résistance de Briançon après
la chute de
l'Empire en 1815 et l'invasion du territoire par les
Piémontais
et les Austro-sardes – et des épisodes de la vie
à
Saint-Chaffrey au même moment – les incendies du
village et
le meurtre d'une femme par son époux,
déguisé en
mort accidentelle.
Le récit commence par une évocation d'un voyage
de Grenoble à
Briançon par le Lautaret. Cette évocation a
d'autant plus
d'intérêt qu'elle a lieu avant l'ouverture de la
nouvelle
route nationale. On retrouve le style qui est celui d'ouvrages comme
l'ermite en province : vif, alerte, légèrement
ironique
et plein de petits traits d'humour. Alors que l'auteur finit le voyage
à pied entre Saint-Chaffrey et Briançon, il
rencontre un
vieillard qui lui raconte l'occupation du
Briançonnais par les Piémontais et les
Austro-sardes en
1815. Pour mémoire, après la défaite
de Waterloo,
le Briançonnais fut envahi par les troupes austro-sardes et
piémontaises. Le général
Eberlé, commandant
de la place de Briançon, ne voulut pas se rendre et soutint
le
siège depuis le 15 août jusqu'au 15 novembre.
Cette
résistance est commémorée par la
devise "Le
passé et le présent répondent de
l'avenir". Le
récit qu'en donne André Latour fait
allusion
à de nombreuses personnalités locales, sans
jamais les
nommer. Elles devaient être aisément
reconnaissables pour
les contemporains, même en 1850, 35 ans après les
faits.
Pendant cet épisode, les Piémontais occupaient
les
villages aux alentours, dont Saint-Chaffrey. Le récit du
vieillard met en scène les relations difficiles de quelques
habitants, les chasseurs Eloi Gaudry et Jean-Joseph
M…,
Arnoulet, Pancrace, etc. avec les Piémontais, jusqu'aux deux
incendies qui ravagent le village d'abord le 14 septembre puis dans la
nuit du 15 septembre. Le récit se termine par le drame d'une
dispute durant laquelle Jean-Joseph M... tue accidentellement sa femme
d'un coup de carabine, le 23 octobre de cette
année-là.
Pour maquiller le crime, il cache le corps de sa femme dans une maison
et allume un feu. C'est le troisième incendie qui touche le
village en quelques jours. Démasqué, il est
jugé
et guillotiné à Briançon
quelque mois plus
tard. L'ouvrage se clôt sur l'évocation de cette
exécution, événement unique dans le
Briançonnais.
Aristide Albert consacre un long article à André
Latour dans sa Biographie
Bibliographie du Briançonnais. Canton de Briançon,
(pp. 204-209), avec quelques pages sur cet ouvrage (pp. 206-208). Il
confirme que les faits racontés sont authentiques, en
particulier le meurtre de Jean-Joseph M... commis sur sa femme.
Exemplaire relié
Le donataire de cet exemplaire est Aristide Albert
(1821-1903), érudit et historien briançonnais,
qui est
aussi l'auteur d'une notice biographique sur André Latour.
Quant
à Alexandre Jourdan, nous ne l'avons pas
identifié.
Identification
des protagonistes du récit
Les indications d'Aristide Albert et
l'état
civil de Saint-Chaffrey permettent d'identifier les protagonistes de ce
récit.
Pour Jean Joseph M..., A. Albert respecte l'anonymat du meurtrier dans son résumé de l'ouvrage (voir ci-dessus), même s'il donne une piste sur son identité : "Dans cet opuscule, l'auteur, à côté du portrait de Morand, esquisse celui de deux personnages typiques."
Dans l'état civil de
Saint-Chaffrey, à
la date du 23 octobre 1815, on trouve la déclaration de
décès
d'Augustine Albert, 44 ans, par son époux Jean-Joseph
Morand,
propriétaire-cultivateur, à Saint-Chaffrey. Elle
décédée à 2 heures
du matin, dans la
maison de Victor Chabas,
suite à l'incendie qui a eu lieu ce jour-là.
C'est
cohérent avec le récit qu'en fait
André Latour.
Une autre
femme, Claire Barnéoud, est
décédée le
même jour, à 3 heures du matin,
suite à cet incendie.
L'acte de décès de Jean Joseph Morand se
trouve dans l'état civil de Briançon à
la date du
30 mai 1816, sans
aucune information sur la cause du décès. Il est
décédé à midi, heure
probable de
l'exécution. Il avait 44 ans.
Sur les deux premiers incendies, en particulier celui qui s'est
déclaré dans le nuit du 15 septembre (selon
André
Latour), l'état-civil de Saint-Chaffrey contient
aussi trois actes de décès de personnes mortes
dans cet incendie, dans les trois cas des femmes. Elles
sont toutes les trois mortes à
11
heures et demi du soir, dans la nuit du 13 au 14 septembre. Il y a donc
une différence de dates. Jacqueline Routier
situe
l'incendie
dans la nuit du 12 au 13 septembre.
Le personnage d'Eloi Gaudri
s'inspire d'Eloi Giraud, chasseur et arboriculteur, né et
mort à
Saint-Chaffrey (1787-1865). Il fait l'objet d'une notice biographique
dans Biographie-Bibliographie
du Briançonnais. Cantons de la Grave et
du Monêtier-de-Briançon d'Aristide
Albert (pp. 49-50). Celui-ci précise : "L'auteur de cet
opuscule, M. André Latour, a amoindri et
fait grimacer l'originale et intelligente figure du trappeur
briançonnais. Un auteur de génie y eût
saisi peut-être et signalé des
traits qui eussent rappelé le Marcasse de George Sand, et le
Bas-de-Cuir de Cooper".
Quant à Arnoulet, Aristide Albert ne le
nomme pas, mais il donne suffisamment d'éléments
pour l'identifier :
"Arnoulet (caricature qui n'était cependant au fond qu'un
portrait
assez fidèle). Il s'agissait d'un honnête
tabellion plein de sotte
vanité, de lourd pédantisme, dont les aphorismes
à la La Palisse ont
longtemps défrayé la verve railleuse des loustics de
Briançon. Sans
valeur intellectuelle aucune, et sans instruction, ce paroissien,
à
plat ventre devant l'autorité, fut cependant, sous le second
Empire, le
premier des édiles de Briançon, cité
réputée pour l'intelligence et
l'instruction de ses habitants, et décoré de la
Légion d'honneur ! Sic
fata Voluere. Ces choses se sont vues quelques fois." Il
s'agit d'Arnoul
Giraud, notaire, maire de Briançon à partir de
1863 (Briançon
à travers
l'histoire, 1997, J. Routier, p. 386). Il est
né le 2 prairial an VIII (22 mai 1800) à
Saint-Chaffrey (état civil).
Deux personnages sont cités page 7 sans être
nommés :
- le
"médecin célèbre [de] l'illustre
Méhémet-Ali". L'auteur fait allusion
au docteur Clot-Bey, de Grenoble. Comme l'explique A. Albert dans son
Essai descriptif sur
l'Oisans, p. 112, c'est par erreur qu'André
Latour
fait naître Clot-Bey à Villard d'Arène,
alors qu'il est né en 1793 à
Grenoble.
- le "restaurateur des fortifications d'Alexandrie" est Gallice Bey
(1790-1863) du Lauzet, près de Monêtier-les-Bains
Dans le récit proprement dit du blocus de Briançon, il y a de nombreuses allusions à des personnalités locales. Je n'ai pas chercher à les identifier, même si je pense que l'on peut reconnaître Barthélémy Chaix, l'ancien sous-préfet de Briançon sous l'Empire.
L'ouvrage est référencé dans la Revue
bibliographique. Ouvrages imprimés pendant le mois de
décembre 1850 et les quatre premiers mois de 1851 dans le
département de l'Isère, ou publiés par des auteurs
nés dans ce département, du Bulletin
de la Société de Statistique des Sciences naturelles et
des Arts industriels du département de l'Isère, 2e série, tome I, 1851 (p. 309) : la parution est décembre 1850 et le tirage de 150 exemplaires.
Commentaire personnel
Le catalogue du libraire disait : "Sous une forme
qui apparaît comme passablement romancée, et donc suspecte
quant à l'authenticité de l'anecdote, il raconte un
voyage fait à Briançon par la route du Lautaret, sur
laquelle il rencontre un vieillard fort disert sur les Cent-Jours ...".
On voit que l'authenticité n'était pas si suspecte,
encore fallait-il avoir les clés de lecture. Un ouvrage rare que
j'ai d'abord acquis relié et pour lequel je n'ai pas
résisté lorsque j'ai trouvé une exemplaire
broché, avec ses belles couvertures jaunes.
On comprend que l'auteur ait préféré prendre un
pseudonyme, peu explicite. Les faits rapportés et les jugements
de valeurs sur les habitants du pays, dont certains vivaient encore en
1850, appelaient une certaine prudence, surtout de la part d'un
président de tribunal civil à Grenoble.
Références (Voir : Liste des sources et références)
Notice biographique de André Latour
Sur le blocus de Briançon, Briançon à travers l'histoire, de J. Routier (pp. 364-368).
Maignien (Anonyme) : 368
Perrin : 271
BNF : 8-LH5-222