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Émile
Gueymard
Docteur ès Sciences, f. f.
d'ingénieur en chef du corps royal des mines, professeur
d'histoire naturelle à la faculté de
l'académie de Grenoble, chevalier de la légion
d'honneur, ancien élève de l'école
polytechnique et membre de la société des
naturalistes de Genève.
Sur la minéralogie et la géologie du département des Hautes-Alpes
Description de l'exemplaire (Voir : Notes sur la description des ouvrages)
Grenoble,
Baratier père et fils, Imprimeurs-libraires 1830, in-8° (220 x 138 mm), 121 pp. Une carte dépliante en couleurs in fine. |
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Notes sur l'exemplaire
Broché.
Notes sur l'ouvrage
Sescription géologique du département,
avec un intérêt plus particulier pour les ressources
minéralogiques et les possibilités d'exploitation.
Basé sur les observations de l'auteur dans le
département, ce mémoire ne s'intéresse qu'aux
zones habitées, sans pénétrer au cœur du
massif. Une courte discussion introductive traite de questions
géologiques.
La description s'organise autour du trajet suivi par
Émile Gueymard dans le département. Ce parcours est un
grand voyage circulaire autour du massif des Écrins, en
partant de Grenoble, passant par la vallée du Drac, le col
de Lus-la-Croix-Haute, le Buech, le Gapençais, puis remontant la
vallée de la Durance par Embrun, avec un détour par le
Queyras, puis retour dans le Briançonnais et le col du Lautaret
pour redescendre sur Grenoble par la vallée de la Romanche. Il
ne pénètre pas dans le massif. Une rapide incursion dans
le Valgaudemar lui permet de s’approcher des montagnes.
C’est alors que, pour l'unique fois, il cite quelques sommets (p.
46) :
"Le pays du Valgodemar est au nord du département. Il est
remarquable par la hauteur de ses montagnes. Il est traversé de
l'ouest à l'est par la rivière de la Severaisse. Les
montagnes les plus élevées sont, au nord, le pic d'Olan
qui se distingue par sa forme élégante et pyramidale;
à l'est, par les monts Chiracs [Sirac]; au midi, par les
montagnes de l'Ours et de Chaillol-le-Vieux; enfin, à l'ouest,
par la montagne du petit Chaillol."
Une notation sur son ascension du pic de Bure montre
qu’il est déjà sensible à la beauté
des montagnes et au plaisir de l’ascension (pp. 22-23) :
"Le mont Auroux, ou le mont de Bure, se trouve au-dessus de
Saint-Etienne : il faut quatre heures de marche pour atteindre le point
le plus élevé. Les pics dominent tous les terrains
calcaires de la chaîne et paraissent dépasser de quelques
mètres le mont Obioux que l' on voit de Grenoble. On se trouve
donc sur le pic de Bure comme sur un centre d'où l'on
découvre une belle suite de montagnes et de formations; on jouit
ici du spectacle des grandes hauteurs : les peines et les fatigues
disparaissent quand ou a atteint ces sommités et il ne reste
plus que les douceurs d'une vie qui présente des charmes
à l'infini. L'étude de ces magnifiques déchiremens
dans les montagnes, l'examen des abîmes, des précipices et
du désordre des siècles, feront toujours les
délices des hommes dont les études de prédilection
se dirigent vers l'histoire naturelle. "
Enfin, cette remarque sur les glaciers du Monetier est intéressante à double titres (p. 97) :
"Le bourg du Monetier se trouve au milieu de la plus jolie
vallée du département; elle est remarquable par la
fertilité de son sol, par ses forêts de
mélèzes, par les glaciers qui descendent très-bas
et non loin des terrains cultivés comme dans la vallée de
Chamounix. "
Cette avancée des glaciers citée presque en passant montre que le phénomène glaciaire, pourtant majeur dans le massif, n’est pas un sujet d’intérêt pour le géologue Gueymard, preuve qu’il est plus mû par son souci de « minéralogue » (si on me permet ce néologisme) que de géologue. L’autre intérêt de cette remarque est qu’elle nous donne une indication de l’emprise des glaciers dans la vallée à une époque du maximum glaciaire. Ces poussées glaciaires sont mal documentées dans ce massif, à la différence de celui du Mont-Blanc. On est donc à la recherche du moindre indice qui laisse penser que les glaciers, aujourd’hui très en retrait, pouvaient avoir une telle ampleur qu’ils menaçaient les zones habitées et cultivées.
C’est tout de même un vrai sujet
d’étonnement que de voir qu’un géologue en
ces années 1830 peut écrire un ouvrage entier sur la
géologie du département le plus montagneux de France sans
que ce phénomène propre à intéresser un
scientifique suscite autre chose que quelques allusions au cours de son
mémoire. Cela s’explique déjà par
l’objet réel de ce travail qui est de recenser les
richesses minéralogiques du département. En effet, tout
au long de son parcours dans le département, il cherche à
identifier les richesses minières, avec un intérêt
particulier pour les ressources en lignite et en charbon, dans ce
département pauvre en combustible. Il cherche aussi à
identifier les richesses minérales, comme les mines de plomb,
d’argent, de cuivre, etc. Enfin, mais de façon plus
marginale, il repère les roches propres à la
construction, comme les marbres. Là où le géologue
n’est pas complétement absent, c’est dans le souci
d’identifier la nature exacte des roches rencontrées et,
dans quelques cas, l’identification des pendages des couches
géologiques. Mais cela s’arrête aux roches
qu’il voit sur son parcours, c’est-à-dire celles qui
composent les vallées qu’il traverse. Autre preuve, son
relevé d’altitudes en annexe de l’ouvrage ne
concerne que des villes ou villages et des cols, mais ne contient aucun
sommet. Comme nous avions pu le dire dans le passé à
propos des premières descriptions de la région au XVIIIe
siècle par les militaires, les hommes de cette époque
avaient une vision « en creux » de la montagne, autrement
dit des vallées, des rivières et des passages, là
où nous avons une vision « en bosse »,
c’est-à-dire structurée par les sommets .
Dans ces années-là, la géologie de la région avait déjà été étudiée par M. Elie de Beaumont, qui avait fait paraître dès 1829 une communication sur les Faits pour servir à l’histoire des montagnes de l’Oisans. Il s’agissait d’un vrai travail de géologue, qui s’attelait à explique l’histoire géologique de la région, sur la base des observations recueillies dans le cadre de la carte géologique de la France. Même s’il le cite, Émile Gueymard ne se met pas dans ses pas, bien qu'il dessine une première carte géologique du département, qui se trouve en annexe du mémoire.
En effet, l'ouvrage contient en fin : Carte géologique du
Département des Hautes-Alpes.
C'est une grande carte géologique en 4 couleurs sur
papier fort. Elle
représente les différents types de terrain par
grandes masses.
S'ont identifiés 4 types de terrains : terrain
primitif (rose),
calcaire à gryphées (jaune), grès
à anthracites (bleu foncé), terrain
du grès (bleu clair).
Mention en bas à gauche :
« Valluet aîné
St »
Mention en bas à droite : « Imp.
Lith. de Palley à Lyon »
Cette carte, seule, sans le mémoire qui l'accompagne, est conservée au département de la BNF (Richelieu - Cartes et plans : GE D-2966, avec une date erronée). Elle a été numérisée sur Gallica (j'ai utilisé cette numérisation, de qualité supérieure à la photo que j'aurais pu faire de la carte qui accompagne mon exemplaire) :
Pour agrandir, cliquez sur la photo |
Publier cette carte est une initiative méritoire car, à cette époque,
peu de département disposait d’une telle carte. Il faudra attendre 1835
pour qu’une action soit lancée auprès des préfets pour initier les
opérations dans toute la France. Émile Gueymard, avec l’appui du préfet
des Hautes-Alpes, a été un précurseur. Il faudra ensuite attendre 1858
et Charles Lory, un élève de Gueymard, pour qu’une nouvelle carte,
beaucoup plus complète et riche, soit levée dans cette région : Carte
géologique du Dauphiné (Isère, Drôme, Hautes-Alpes)
Pour comprendre les extraordinaires progrès accomplis en 25 ans dans la science géologique, il suffit de comparer les légendes et les détails des 2 cartes.Cela nous fait presque regretter de ne pas avoir vécu cette époque où, en quelques dizaines d’années, la connaissance de base du monde dans lequel on vivait pouvait faire des progrès aussi fulgurants. J’imagine qu’aujourd'hui, en 25 ans, la géologie ne fait plus que des avancées mineures, peut-être toujours décisives (je ne suis pas un bon juge), mais pas aussi visibles et tangibles, en particulier pour le profane que je suis.
Pierre Savaton a publié une
étude sur
les premières cartographies géologiques
départementales. Cette étude permet de situer
cette carte
dans son contexte :
Les
cartes avant
les cartes. Les cartes géologiques
départementales : la
première cartographie détaillée de la
France, par Pierre Savaton
(Pierre Savaton. Les
cartes avant les
cartes. Les cartes géologiques départementales :
la
première cartographie détaillée de la
France.
Travaux du Comité français d'Histoire de la
Géologie, COFRHIGEO, 2003, 3ème
série (tome 17), pp.53-74. <hal-00916789> : cliquez-ici)
"Les
cartes géologiques départementales constituent la
première description
cartographique détaillée du sous-sol de la
France. Levées et publiées à
partir de 1825, elles sont remplacées progressivement,
à partir de
1868, par la couverture détaillée à
1/80 000. Envisagées dès le projet
de la carte géologique de France à 1/500 000 (la
carte de Dufrénoy et
Elie de Beaumont), elles ne seront pas réalisées
de manière planifiée
et centralisée, mais confiées aux bons soins des
Conseils généraux.
Œuvres individuelles, conçues et
réalisées au moment où se constitue
véritablement une science géologique, elles sont
à la fois le reflet
des hommes et des idées de cette époque et des
outils de la
construction de cette science. Esquisses, essais des cartes modernes de
la fin du XIXe siècle, elles étaient
condamnées à l’oubli avec la venue
de celles-ci. Citées dans les documents ayant servi
à la réalisation
des premières feuilles de la carte à 1/80 000 et
à la première édition
de la carte géologique de la France à 1/1 000
000, elles disparaissent
ensuite des références. Le temps passant, elles
constituent aujourd’hui
un patrimoine peu connu et peu visible, malgré
l’intérêt certain
qu’elles représentent, tant pour
l’étude historique de
l’émergence des
cartes géologiques modernes et des grandes disciplines de la
géologie,
que pour les révisions actuelles des cartes. Si toute carte
est le
reflet des idées et théories de son
époque, l’ancienneté de celles-ci
en fait des objets d’intérêt majeur pour
la formation épistémologique
des étudiants en sciences de la Terre."
[...]
Dès 1835, Victor
Legrand, sous-secrétaire d’Etat aux travaux
publics et directeur
général des ponts et chaussées et des
mines écrit aux préfets [pour les
inciter à lancer le levé d'une carte
géologique de leur département]
[...]
Plusieurs
départements n’ont d’ailleurs pas
attendu cette
incitation et possèdent
déjà à cette date leur propre carte
géologique. C’est le cas de la
Corse, du Calvados, des Hautes-Alpes, de la
Seine-Inférieure, de
la
Haute-Saône par exemple. Sur les 71 Conseils
généraux invités à lancer
ce projet en 1835, près d’un tiers votent des
crédits pour que débutent les levés
dès
1836.
[...]
Les
cartes géologiques départementales ne portent en
général ni indication
de pendages, ni indication d’axes de plissements, ni
tracé de failles.
Les cartes des Alpes et des Pyrénées font bien
sûr exception. En
revanche, ces observations figurent régulièrement
dans les notices
descriptives et comptes rendus de campagne. Ainsi en 1830, Emile
Gueymard dans son mémoire Sur la minéralogie et
la géologie du
département des Hautes-Alpes qui accompagne sa
carte indique
régulièrement la direction et le pendage des
terrains qu’il décrit : «
un grès schisteux marneux dirigé suivant 3 ou 4
heures de la boussole
montant de 50 degrés vers le sud-est ».
Sur le titre « Cette statistique
minéralogique et
géologique a été publiée
aux frais du
département, sur la demande de M. le préfet
marquis de
Roussy ».
Dans sa notice biographique, Émile Gueymard.
Notice biographique, Grenoble, impr. de
Maisonville et fils, 1873, in-8°, 16 p., extrait du Bulletin de la
Société de statistique de l'Isère
(reproduite dans www.annales.org/archives/x/gueymard.html),
Maxime Villars rapporte :
"En 1830, il fît
paraître la Statistique
minéralogique et géologique du
département des
Hautes-Alpes (un volume de 141 (sic)
pages avec cartes), ouvrage très-intéressant,
dans lequel
l'auteur a décrit, canton par canton, la nature du sol de
tout
le département, et indiqué avec
précision les
gîtes de combustibles divers, tourbes et anthracites, et ceux
de
métaux précieux qu'il a
vérifiés ou
découverts, ainsi que les carrières d'ardoises,
de marnes
et de plâtres, et les sources minérales qui
peuvent
être utilisées. La valeur probable des filons et
des
tourbes y est notée, et l'ingénieur, faisant
place
à l'agronome, n'oublie point de signaler, quand il traverse
chaque commune, les améliorations qu'il serait facile
d'obtenir,
le moyen de les opérer, et les irrigations qu'il faudrait
pratiquer afin de tripler le revenu des champs arides. Il
relève
notamment le projet de percer une galerie, longue de 3,200
mètres, dans la montagne de Mence qui sépare la
vallée du Drac du bassin de Gap, et d'amener les eaux les
plus
abondantes sur un vaste territoire jusqu'alors en proie à la
sécheresse. Aujourd'hui la galerie existe et les eaux
coulent;
Gueymard avait constaté dans son livre que le percement
serait
d'exécution ordinaire à travers des schistes
à
lucines, et avait prédit que ce travail, d'une bienfaisance
exceptionnelle, donnerait la célébrité
à
ses auteurs. A la fin de ce volume on trouve les hauteurs,
déterminées au baromètre, de la
plupart des
sommets des Alpes et des environs de Grenoble."
Sur son exemplaire, consultable dans le fonds Guillemein de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes (Z GUILLEMIN 1203), Paul Guillemin a noté au crayon : « Très rare. »
Références (Voir : Liste des sources et références)
Très bonnes notices biographiques d'Emile Gueymard sur le site des Annales des Mines : cliquez-ici.
Ouvrage et carte numérisés sur le site de la Bibliothèque patrimoniale numérique de l’École nationale supérieure des mines de Paris (Mines ParisTech) : cliquez-ici.
Perret : 2084
Perrin : 465
Guillemin : 1203
SdB : 350 (10 f.)
BNF : absent (3 exemplaires au CCFr : BMG : T.6383 et
V.13972(2) et Saint-Etienne)