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PAGE THÉMATIQUE : Exploration du Haut-Dauphiné (Oisans/Ecrins)

L. Elie de Beaumont

Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans
Mémoire lu à la Société philomatique le 7 mars 1829 et à la Société d'Histoire naturelle de Paris le 20 du même mois.

Description de l'exemplaire  (Voir : Notes sur la description des ouvrages)

S.l.n.n.n.d. (1829), in-4° (270 x 218 mm)
32 pp., 2 planches gravées hors texte in fine
Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans : couverture Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans : titre
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Notes sur l'exemplaire

Broché sous couvertures d'attente grises

Envoi sur la page de garde, au verso de la première couverture :
"A Monsieur Arago
Membre de l'Institut etc etc ...
Hommage de l'auteur"
Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans : envoi
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Notes sur l'ouvrage

Description géologique du massif de l'Oisans (massif des Ecrins) par Léonce Elie de Beaumont, dans le cadre de l'établissement de la carte géologique de France. Ce texte est aussi une des premières descriptions du massif, par l'un des premiers "explorateurs" qui pénétra au cœur du massif (La Bérarde) pour en étudier la structure et la géologie.

Léonce Elie de Beaumont (1798-1874), polytechnicien, ingénieur des Mines, fut chargé en 1822, par Brochant de Villiers d'établir la première carte géologique de France. Avec Dufrénoy, de 1825 à 1836, ils parcoururent plus de 100 000 kilomètres en France, le plus souvent à pied. La carte fut publiée en 1840. C'est lors de ces travaux qu'il explora le massif de l'Oisans et en donna une description géologique qu'il lut à la Société philomatique le 7 mars 1829 et à la Société d'Histoire naturelle de Paris le 20 du même mois : Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans. Quelques semaine plus tard, le 22 juin 1829, il lut à l'Académie des sciences un mémoire où il tentait une première synthèse de ses observations sur la géologie des montagnes : Recherches sur quelques-unes des révolutions de la surface du globe. Ce mémoire eut un grand retentissement et François Arago, convaincu par cet exposé, en fit un compte-rendu dans l'Annuaire du Bureau des longitudes.

Ce mémoire sur l'Oisans devait être publié dans le tome V des Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris, mais la publication de ce volume fut retardé. Il fut donc fait un tirage de 50 exemplaires du texte, avec deux planches, qu'Elie de Beaumont envoya à la fin du printemps de 1829 aux principales personnalités savantes de l'époque. Cet exemplaire est celui qu'il envoya au grand savant et futur homme politique de la IIe République, François Arago (1786-1853).

Il est illustré de 2 planches :

Planche I
Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans
Planche II
Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans
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Ce mémoire se présente d'abord comme une description géologique du massif des Ecrins (Oisans), sur la base de ses observations. Il donne aussi une description de la structure et de l'organisation du massif, en faisant de La Bérarde le centre autour duquel s'organise l'ensemble des vallées et sommets. Sur la base de ses relevés géologiques, il tente de reconstituer l'histoire géologique du massif. Le titre du mémoire résume bien la démarche de l'auteur : Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans.

Le poète n'étant pas toujours loin derrière le géologue, Elie de Beaumont ne trouve pas meilleure façon d'exprimer son propos qu'en comparant la forme et la structure du massif à celle d'une fleur : "On donnerait une idée assez exacte de la disposition des roches sur presque tout le pourtour du système, en disant que, pris dans son ensemble, il présente quelque chose qui rappelle la forme d'une fleur à moitié éclose, dont les étamines sont représentées par des masses granitiques non stratifiées et des lambeaux irrégulièrement disloqués de gneiss, et dont la corolle, entrouverte, est figurée par les couches de gneiss qui, sur presque toute la circonférence du groupe, s'appuient sur les masses granitiques de l'intérieur, pour s'enfoncer sous les dépôts secondaires, relevées à l'entour en forme de calice. Le mont Pelvoux forme pour ainsi dire le pétale le plus développé de la fleur." (p. 13).

Il illustre sa démonstration par ce petit dessin, qu'il rapproche de la structure des cratères de la lune (extrait de la planche I)

Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans
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Un autre intérêt de l'ouvrage est la publication, pour la première fois, d'un profil des montagnes du massif, ce qui, à ma connaissance, n'avait jamais été fait auparavant. Ce profil représente le Pelvoux (a) et les montagnes adjacentes vus depuis Guillestre où l'on reconnaît le Pic-sans-Nom (e) et Ailefroide (g).
Ci-dessous, le profil extrait de la planche I et, pour comparaison, un extrait de la planche IV de Outline Sketches in The High Alps of Dauphiné, par Thomas-George Bonney, paru en 1865, qui est la première représentation fidèle des sommets du massif. En fin, une photo récente trouvée sur Internet, avec le même point de vue.


Détail planche I
Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans
Détail planche Outline Sketches in The High Alps of Dauphiné, 1865
Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans
Photo récente (trouvée sur Internet)
Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans


Pour L. Elie de Beaumont, le Pelvoux est encore le point culminant du massif et donc de la France à 4 100 mètres d'altitude.

Enfin, L. Elie de Beaumont s'approche de la Meije, qu'il appelle encore l'Aiguille du Midi de la Grave, afin de mieux comprendre le recouvrement des terrains secondaires (jurassiques) par des roches primaires (granite). Voir la figure 2 de la planche II, où il représente l'étagement des couches géologiques au-dessus de Villar d'Arène, au pied de la Meije. On a ici une des premières évocations de ce sommet dans son environnement :
"La partie inférieure des pentes qui bordent la vallée de la Romanche, au midi de la Grave et du Villard d'Areine, est aussi formée par des couches de ce grand système. Le talus qu'elles constituent s'étend jusqu'au pied des masses escarpées de roches primitives qui s'élevant jusqu'à la hauteur des neiges perpétuelles et couronnées de glaciers, forment les avant-corps du massif de l'aiguille du midi de la Grave qui atteint une hauteur d'environ 4,000 mètres au-dessus de la mer." (p. 24)


Pour conclure la présentation de cet ouvrage, cet extrait d'un notice biographique qui a été consacrée à Elie de Beaumont résume bien l'importance de ce mémoire dans la genèse de sa pensée sur la formation des montagnes :
"Tout en poursuivant cet immense labeur [la carte géologique de France], Elie de Beaumont publiait une série de Mémoires, qui exerçaient une puissante influence sur l'essor de la science durant cette période. Le premier, et aussi l'un des plus importants, par l'émotion qu'il a suscitée, est celui de 1827 sur les montagnes de l'Oisans. La forme inattendue sous laquelle le granite se présentait dans ce massif, venant, vers la région des neiges perpétuelles, recouvrir le terrain jurassique disloqué par lui, donnait pour la première fois la révélation de l'énorme puissance qui avait dû présider à ces dérangements des strates. Léopold de Buch avait bien établi la notion du soulèvement des montagnes; mais les observations d'Élie de Beaumont introduisaient un fait tout nouveau, celui de l'âge relatif des dislocations. Il en fit, en 1829, l'objet d'une synthèse aussi neuve qu'elle était hardie, présentée à l'Académie des Sciences avec le titre de Recherches sur quelques-unes des révolutions de la surface du globe. De ce jour l'auteur devint célèbre, et sa renommée dépassa de beaucoup les limites du monde savant. On s'accordait à proclamer qu'il venait de mettre un sens nouveau à la disposition des géologues, et Arago, se passionnant pour la nouvelle doctrine, s'empressait de la populariser, non peut-être sans dépasser quelque peu la pensée de l'auteur, par la rapidité exagérée avec laquelle il concevait la production du phénomène." (Extrait de la biographie de Léonce Elie de Beaumont, par Auguste Daubrée, publiée dans le Livre du centenaire (Ecole Polytechnique), 1897).

En 1830, Léonce Elie de Beaumont retourne en Oisans avec Brochant de Villiers et Dufrénoy. Il complète ainsi ses observations et publie une nouvelle version revue et augmentée de son mémoire. Toujours sous le nom de Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans, il est inséré dans le tome V des Annales des Mines, 1834,  pp.3-63. Il en a été fait un tiré à part. Lors de cette publication, le tome V des Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris n'avait toujours pas paru, ce qui faisait que cette publication de 1834 était la première qui était accessible au public, le tirage de 50 exemplaires de 1829 pouvant être considéré comme une édition privée.

Dans une note de bas de page de l'édition de 1834, il précise : "Ce mémoire n'est pas une simple réimpression de celui que j'ai lu, sous le même titre, à la Société philomatique, le 7 mars 1829, et qui a été imprimé quelques semaines plus tard dans le tome Ve. des mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris. Ayant visité de nouveau différens points des montagnes de l'Oisans, en 1830, avec MM. Brochant de Villiers et Dufrénoy, j'y ai recueilli quelques faits nouveaux que j'ai introduits dans cette nouvelle édition. Ces faite viennent tous à l'appui de ce que j'avais fait connaître dans la première; mais je regarde surtout comme une addition importante de pouvoir annoncer que les yeux exercés des deux observateurs que je viens de citer, ont constaté l'exactitude de plusieurs des observations les plus singulières consignées dans la première édition, et de toutes celles que j'ai ajoutées dans celle-ci.
Des circonstances de librairie se sont opposées jusqu'ici à ce que le tome Ve. des mémoires de la Société d'histoire de Paris soit livré au public, et il n'a été publié de la première édition de mon mémoire que cinquante exemplaires tirés à part, dont j'ai fait hommage à divers savans a la fin du printemps de 1829. Cette publication incomplète a cependant suffi pour constater authentiquement la date de mon travail, attendu que plusieurs des coupes que j'y avais données ont été reproduites dans l'ouvrage intitulé : Sections and Views illustrative of geological phenomena, publié à Londres en 1830 , par M. de La Bèche, dans le geological manual, du même auteur, et dans les Principles of geology de M. Lyell, et qu'elles ont été citées dans le Traité de géognosie, de M Walchner (Carlsrhue, 1832) , dans le Traité de géologie, de M. Bakewell , ( Londres , 1833 ), etc."

Le tome V des Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris a enfin été publié en 1834 à Paris, Librairie encyclopédique de Roret. Nous ne savons pas si, en définitive, il contenait le mémoire d'Elie de Beaumont qui était devenu obsolète la même année avec la parution de la version revue et augmentée dans les Annales des Mines.

Ces aléas sur la parution du tome V des Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris et la parution en avance de cet ouvrage ne doivent pas nous induire en erreur. Cet ouvrage date bien de 1829 et la mention sur la première page : "Extrait du tome V des Mémoires de la Société d'Histoire naturelle de Paris" n'est là qu'en prévision de la future publication de l'ouvrage et non, comme cela est habituel, la marque d'une parution simultanée ou très légèrement postérieure du tiré à part par rapport à l'ouvrage dont il est extrait.

Les travaux d'Elie de Beaumont ont en particulier inspiré le géologue écossais James David Forbes lors de ses explorations du massif de l'Oisans en 1839 et 1841. Dans le récit qu'il en a donné, il y fait souvent référence : Norway and its glaciers, par James D. Forbes, paru en 1853, qui contient un chapitre entier illustré sur le Dauphiné.

Créant comme un lien l'auteur et le dédicataire, Léonce Elie de Beaumont a été élu secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, en 1853, en remplacement d'Arago.

Commentaire personnel

Un ouvrage, presque un incunable de la découverte du massif des Ecrins, peu connu, et qui semble pourtant avoir ouvert la voie aux futurs "explorateurs" anglais. La rareté de l'ouvrage (50 exemplaires !, combien en reste-t-il aujourd'hui ?),  son dédicataire, François Arago, si proche d'Elie de Beaumont dont il soutint les travaux, son intérêt pour l'histoire de la découverte et de l'étude des montagnes, font de cet exemplaire un objet bibliophilique hautement désirable, malgré la modestie de sa présentation.

Pour la petite histoire, j'ai acheté cette brochure à une libraire américain de Phoenix, en Arizona. Comme a-t-elle pu arriver là-bas ? J'aurais au moins rapatrié un peu du patrimoine français.

Références  (Voir : Liste des sources et références)

Sur Léonce Elie de Beaumont :
Un excellent ensemble d'articles et de textes sur le site des Annales de Mines : cliquez-ici.
Notice Wikipédia

Sur François Arago :
Notice Wikipédia
Notice
Animation sur le site de l'Observatoire de Paris

Texte de l'édition de 1834 : Edition de 1834

Deux exemplaires au CCFr :
Paris Museum d'Histoire naturelle, exemplaire du baron Cuvier
Paris, Institut de France, exemplaire du chimiste Jean-Baptiste Dumas
Pour ces 2 exemplaires, la description donne 1834, probablement à tort.

Pour l'édition de 1834 :
Perret 326 : "première version parue à 50 exemplaires en 1829, mais l'édition de 1834, largement augmentée, est considérée comme la vraie originale."
Perrin : 293
Maignien (Catalogue) : 16714
Guillemin : 1409
BNF : S-26725