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PAGE THÉMATIQUE : Dialectes et patois du Dauphiné

Victor Monard, d'Orpierre
Poète-Naturel et troubadour des Alpes.

Les élections du pays de Cocagne,
poème héroï-comique divisé en dix chants, 
suivi de 
l'Orpierréïde
et de plusieurs pièces inédites.

Description de l'exemplaire  (Voir : Notes sur la description des ouvrages)

Carpentras, Imprimerie de Ve Proyet, 1846
In-12 (183r x 110r mm), 179 pp.
Les élections du pays de Cocagne, Victor Monard : titre
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Notes sur l'exemplaire

Broché, sous couvertures d'attente. L'exemplaire semble avoir été massicoté.
Ex-dono sur le faux titre : "A Aristide Albert. Souvenir de son ami  Provansal Alfred".

Notes sur l'ouvrage

Recueil de différents travaux de Victor Monard (Oprierre 25 mars 1810 - Carpentras 16 novembre 1867) qui s'est lui-même qualifié de Trobadour des Alpes. Il contient quelques unes des premières pièces publiées en provançal haut-alpin.

L'ouvrage se compose de :

Faux titre et titre (pp. 1-3)

Avant-propos (p. 5).  « Dans ce moment, où tout le monde parle et s'occupe des Élections, j'ai cru qu'il ne serait pas mauvais de composer un Poème qui traitât de ces sortes de choses ».

Les élections du pays de Cocagne (pp. 7-51)
Ce poème en 10 chants décrit les luttes intestines au sein de la commune de Laragne (Hautes-Alpes). Voir une analyse du contenu et l'histoire du texte ci-dessous.

Conclusion (pp. 52), qui introduit le texte suivant, car « dans le pays de méchans que je viens de chanter, existe-t-il encore des ames vertueuses et exemptes des crimes reprochés à la pluralité ». Il finit :  « si je sais décrier le vice, je sais aussi rendre justice à la vertu ! »

L'innocence reconnue ou Histoire de la chaste Susanne, dédiée à Mlle Susanne Pièron de Cocagne. (pp. 53-57), poème sur une femme mariée de Laragne, accusée à tort d'adultère.

L'Orpierréïde ou Les Amours de Tytire et d'Adèle, suivis des aventures de plusieurs autres bergers, Poème érotique divisé en strophes de dix vers et en paragraphes variés, mais néanmoins continus. (pp. 59 – 129)
Comme le titre l'indique, il s'agit du récit des amours de deux bergers d'Orpierre. L'idylle est traité à la manière des poèmes bucoliques antiques et des contes de bergers et bergères du XVIIIe siècle. Ce long poème est l'occasion de nombreuses digressions, chacune ayant son propre titre. La composition du poème est la suivante :

- Avant-Propos (p. 59)
- Histoire de Tytire et d'Adèle, avec la description du pays où elle s'est passée (p. 63)
- Sur l'origine d'Orpierre (p. 71), traité à la manière d'une légende mythologique.
- Sur une preuve de foi (p. 85)
- Oraison funèbre (p. 89), du "bon prêtre Amyntas", "Depuis plus de cinquante ans, Dans Orpierre il était prêtre". Il s'agit probablement d'un personnage réel.
- Histoire de Tyrcis (p. 92)
- Le retour de Lindor (p. 99)
- Départ de Zémire (p. 105)
- Adieux de Zémire (p. 106)
- Retour de Glycère (p. 108)
- Retour d'Alexandre (p. 109)
- Le printemps ou Le retour de la Violette (p. 117)
- Fête à l'occasion de la tonte des troupeaux (p. 119), qui permet de revenir à l'histoire de Tytire et Adèle, après la longue digression de l'histoire du berger Tyrcis.
- Epitaphe de Victor Monard faite par lui-même (p. 129) :

Il est probable que, à l'identique du premier poème de l'ouvrage, les différentes histoires sont réelles et que les noms aux consonances antiques sont des clés pour des personnes réelles d'Orpierre.

Conclusion (pp. 130-131). V. Monard attaque le maire actuel d'Orpierre, qu'il qualifie de "Vampire de ma patrie". Le récit précédent se passait sous le "patronage de l'ex-maire".

Petit essai sur les fables (pp. 133-151)
Dix fables aux sujets variés. Seules deux d'entre elles semblent concernées l'histoire locale :

- La cigale et les abeilles (p. 133)
- Parodie du corbeau et du renard (p. 135)
- Le papillon et la fourmi (p. 136)
- La mouche et l'araignée (p. 137)
- Le moineau prêcheur (p. 138)
- L'enfant et la limace (p. 140)
- Le bouc député (p. 141), probable allusion à un fait arrivé dan le pays.
- La meunière ou Avis à M. C*** D***. (p. 144).  Dans son premier poème, il épargne cette femme de Laragne "par rapport à la position malheureuse où elle se trouvait" (p. 21). Il la met en garde contre les entreprises des hommes qui "vous tournent par le derrière, Après vous avoir fait leur affaire". Il lui conte l'histoire d'une meunière qui se fit faire un enfant que le père ne voulut pas reconnaître.
- Le dervis et le pou (p. 146)
- Le chemin de fer (p. 147), où l'auteur s'oppose à l'arrivée du chemin de fer (en 1846 !).

Ode sur la fontaine de Vaucluse (p. 157-164).Ode en 29 strophes.

Pièces en vers patois (p. 165-171)
Ensemble de 3 textes en patois :

Parabole du Samaritain. Traduite en vers et en patois du Serrois , en faveur de M. Moquin-Tandon, professeur à la Faculté des sciences de Toulouse, et auteur d'un ouvrage sur les Dialectes de la langue Romane. (p. 165-167). Alfred Moquin-Tandon (Montpellier 1804-Paris 1863) est un botaniste, médecin et écrivain français. Il est élu mainteneur de l'Académie des Jeux floraux en 1844. Il fait paraître à Toulouse en 1836 une supercherie littéraire : Carya magalonensis, la publication d'un prétndu manuscrit du commencement du XIVe siècle, en langue romane. L’illusion fut si complète que des spécialistes de la langue romane s’y trompèrent.
- Epitre , adressée à un antiquaire d'Avignon, en réponse à la lettre qu'il daigna écrire à Monard ; de la part de son ami Moquin-Tandon ; et dans laquelle il demandait aussi des poésies patoises, pour le distraire du mal que lui fesait (sic) souffrir la Goutte. (pp. 168-169).
- Lou patroun. Chansoun patoisa, su l'air d'oou cabanou (p. 169-171).

Conclusion définitive (pp. 172-178)
L'auteur se défend d'être "un cynique égal à Diogène, Qui n'a pas plus de foi qu'un crapaud a de laine", en arguant de son respect pour l'Eglise catholique. Il met en avant les différents textes religieux qu'il a écrits. Néanmoins, il veut garder sa liberté de parole pour pourfendre "ces fringants qui sont faits de nature à répandre ici-bas la fraude ou l'imposture" et considère qu'il n'est pas nécessaire d'avoir "reçu la grâce du saint chrême" pour "crier contre le vice". Il reconnaît qu'il est "un peu libre en [ses] vers".
Dans cette conclusion, il cite un "joli petit roman" qu'il a écrit : Dindonnière, sans préciser s'il a été imprimé. Il rappelle aussi, en note, qu'il est "l'auteur et l'éditeur des cantiques et des images  imprimés en l'honneur de Notre-Dame du Laus et de sainte Philomène-en-pied , dont les exemplaires se sont vendus par milliers, tant en France qu'en Italie et en Savoie même."

Table et Errata (p. 179)

L'auteur s'exprime dans un style souvent lourd. De nombreux passages sont obscurs ou confus, maladresse renforcée par la contrainte de s'exprimer en vers rimés. Le style est souvent relâché ou familier : "enflure" pour signifier une grossesse, "Il pria le marchand d'y vendre une figure", pour "de lui vendre", etc.

Le dédicataire est Aristide Albert. Le donateur est Alfred Provansal (Laragne 1/9/1831 – Laragne 7/10/1906). Fervent républicain, il fut condamné après le coup d'état du 2 décembre 1851. Il fut notaire de 1863 à 1891, avocat puis magistrat. En 1894, il devint président du tribunal d'Embrun. Il fut aussi conseiller général de Laragne de 1880 à 1904. Il était le fils de Jean-François Provansal, que nous avons identifié comme Priscal dans le premier poème de l'ouvrage : Les élections du pays de Cocagne.

Analyse de Les élections du pays de Cocagne

Ce poème en 10 chants décrit les luttes intestines au sein de la commune de Laragne entre 1830 et 1833 pour le poste de maire. L'auteur utilise des noms fictifs, mais certains peuvent être identifiés. La commune est appelée Cocagne, "A quatre ou cinq cents pas du verdoyant rivage du B***". Ce "petit village riche, plain, bien construit" est bâti autour d'un château "castel antique que lui fit élever un Seigneur despotique" (p. 8-9). Il s'agit de Laragne, proche du Buëch, qui s'est développée au XVIIe siècle autour d'un château construit par les seigneurs d'Arzeliers. Peut-être pour donner la clé du nom, il fait du château le siège d'un '"animal d'où naquit et d'où vient encore tout le mal" (p. 9). Cet animal, il l'appelle plus loin "l'aragne", pour l'araignée. Par ailleurs, il cite le hameau d'Arzacier (p. 25), qui est le nom fictif du hameau d'Arzeliers, sur la commune de Laragne. Le premier chant décrit la lutte entre Périclandre et Colet. Le premier, fermier du seigneur de Laragne, s'était fait "délogé" par Colet qui le remplaça. Devenu maire de la commune, il put se venger du dit Colet. La fin du premier chant explique comment Colet réussit, sous l'Empire, à s'emparer de la mairie d'où il put "rendre avec usure" tout le mal que son prédécesseur, Périclandre, lui avait fait subir lorsqu'il était maire. On identifie Périclandre avec Alexandre Provansal (1757-1840), notaire de 1795 à 1837 et maire de Laragne de 1799 à 1808. Colet est Etienne Caillet (1781-1850), négociant et maire de Laragne de 1808 à 1830. Comme le dit Victor Monard au début du deuxième chant, le nouveau régime de 1830 les a "accordés", "en les flanquant dehors tous les deux d'une place d'où procédait, hélas !, leur mutuelle audace". Apparaît ensuite Priscal, fils de Périclandre, qui devient maire en 1830. Il s'agit de Jean-François Pascal Provansal (1794-1872), notaire et maire de Laragne de 1830 à 1832. La suite du poème est le récit des discordes municipales, ourdies par un certain Coco, adjoint au maire, qui est identifié comme Alexandre Clément, dans la Biographie de Victor Monard. Il en donne un portrait très chargé pp. 16-19. On comprend que c'est son beau-père qui était originaire des Hautes-Alpes, mais que lui était probablement parisien. Il avait été receveur de l'enregistrement en Italie. Après avoir échappé à un assassinat à Marseille, il s'est installé à Laragne. Suite aux menées de ce Clément, dit Coco, Priscal se démet de son mandat en juin 1832 et est remplacé par Triplème, nom à peine déguisé d'Auguste Truphème, maire de Laragne de 1832 à 1833. La fin du poème raconte l'intervention du curé, Dom Ménique [Dominique Mondet], en faveur de Priscal, qu'il réussit à replacer à la mairie, en août 1833. Le poème cite de très nombreuses personnes sous des noms de code que nous n'avons pas décryptés. A l'époque, il devait être facile de les identifier pour qui était au fait de la vie locale de Laragne.
 
Références  (Voir : Liste des sources et références)

Sut Victor Monard, voir la Biographie de Victor Monard, d'Orpierre, par Jacques de Bonadona d'Ambrun, paru à Carpentras en 1857.

5 exemplaires au CCFr, dont :
CARPENTRAS - B. Inguimbertine, Fonds Barjavel : 4075 (1)
BMG, fonds dauphinois : V.4253
BNF : YE-27985