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Aymar du Rivail
Description
du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse
et d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont
au XVIe siècle;
Extraite du premier livre de l'Histoire des Allobroges
par Aymar Du Rivail,
Traduite, pour la première fois, sur le texte original
publié par M. Alfred de Terrebasse;
précédée d'un introduction et
accompagnée de notes historiques et géographiques
par
M. Antonin Macé,
Ancien élève de l'école normale
supérieure, Professeur d'histoire à la
Faculté des lettres de Grenoble
Description de l'exemplaire (Voir : Notes sur la description des ouvrages)
Grenoble,
Ch. Vellot & Cie, libraires, F. Allier père & fils, imprimeurs, 1852 In-8° (215r x 133r mm), XXXVI-364 pp. |
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Notes sur l'exemplaire
Demi veau havane glacé, dos à 4 nerfs
orné de filets dorés, pièces de titre
en maroquin noir, tranches marbrées bleues.
Trois ex-libris héraldiques sur le premier contre-plat (voir
ci-dessous).
Notes sur l'ouvrage
Traduction du premier livre de l'Histoire des Allobroges d'Aymar du Rivail, qui donne la description d'une vaste zone couvrant la Savoie et le Dauphiné, en y incluant la Bresse au nord, et le Comtat-Venaissin au sud. Ce texte, écrit dans la première moitié du XVIesiècle, a d'abord été publié en 1844 dans sa version latine, ce qui le rendait guère accessible au public cultivé, interessé par l'histoire de la région. Antonin Macé a entrepris de le traduire, complété de notes, pour le faire connaître au public dauphinois. Récemment arrivé dans la région, c'est sa première contribution à l'histoire régionale.
Le contenu de cet ouvrage est le
suivant :
Faux titre et titre (pp. I-IV).
Avant-propos
du traducteur
(pp. V-XVI), signé et daté en fin : Antonin
Macé,
Grenoble, le 31 octobre 1852. Dans cet avant-propos, Antonin
Macé présente sa démarche de
traducteur, en
particulier les choix qu'il a faits de couper une partie du
texte
original. Il s'en explique : "J'ai désiré
n'extraire de
ce premier livre que les renseignements utiles pour la
géographie comparée du Dauphiné
et des
contrées voisines, dans l'antiquité et au XVIe
siècle; les faits les plus curieux relatifs à
telle ou
telle localité, surtout lorsqu'Aymar parle en son nom et
donne
à sa description un caractère personnel; enfin
les
détails sur la géographie physique et sur les
voies de
communication qui existaient du temps de notre auteur. Ce sont
là des points utiles à connaître; ce
sont ceux que
j'ai recueillis avec soin, sauf, quand il y avait lieu, à
les
contrôler, dans mes notes, par l'examen critique des textes,
et
à les compléter par l'indication de
l'état actuel.
Mais j'ai retranché toutes les fables qui avaient cours,
au XVIe siècle, sur les
origines des villes, et
qui résultaient d'une tendance, alors presque
générale, à expliquer les noms des
villes et des
peuples par des noms d'hommes, et à dresser des listes
chronologiques de rois imaginaires, remontant, les plus
récents,
jusqu'à la guerre de Troie, les autres jusqu'au
déluge."
(pp. V-VI)
Il poursuit en expliquant qu'il a pu confronter le texte avec le terrain : "Je puis dire, du moins, que je n'ai reculé devant aucune fatigue, ni aucun sacrifice, pour aller éclaircir par moi-même, et sur les lieux, les questions qui me semblaient douteuses. Je ne regretterai ni ces sacrifices, ni ces fatigues, si, comme je l'espère, mes travaux font faire aux sciences historique et géographique quelques progrès." (p. VII).
Il défend ensuite sa
démarche en
expliquant comment il enrichit un texte d'histoire
régionale par sa connaissance de l'histoire
générale, ce qui, lui semble-t-il, est la
faiblesse des travaux régionaux :
"éclairer
l'histoire
locale par
des connaissances puisées dans l'histoire
générale." (p. IX)
Enfin, il appelle de ses vœux
la publication
de guides sur la province, qui fassent le lien entre deux types
d'ouvrages : "Nous avons donc deux classes de livres sur nos
départements : ceux qui s'adressent exclusivement aux
savants et
aux administrateurs [les statistique départementales], et
dont
l'utilité n'est pas plus contestable que le
mérite; ceux
qui s'adressent à la foule, qui n'apprennent rien
à
personne et ne peuvent que propager et entretenir de fausses
idées."
Il termine par une synthèse
des connaissances sur la vie d'Aymar du Rivail.
Introduction. Rapport sur
l'ouvrage : Aymari
Rivallii Delphinatis, De Allobrogibus. Libri novem.
Ex
autographo codice Bibliothecae Regis editi. Cura et Sumptibus Aelfredi
de Terrebasse, Viennae Allobrogum, apud Jacobum Girard,
bibliopolam. (pp. XVII-XXXVI), signé et
daté en fin : Antonin Macé, Grenoble, 2
avril 1852. Reproduction
d'un rapport d'Antonin Macé à l'occasion de la
publication de l'édition latine de cet ouvrage, d'abord
présenté devant l'Académie Delphinale,
dans sa
séance du 2 avril 1852, et inséré dans
le Courrier de
l'Isère, n° des 22 et 20 avril, 1er
et 6 mai de la même année.
Tout le début de cette
introduction situe ce texte dans l'historiographie du début
du XVIe
siècle, dominée par l'imitation de Tite-Live, ce
qui a
conduit à un abus d'explications fondées sur
les origines troyennes de
tous les
peuples et personnages et à des etymologies fantaisistes. Il
relève longuement les difficulté avec le latin
qui ne
rend pas les concepts modernes (grâce, Eglise, parlements,
etc.)
Il fait ce constats sévère : "Tout cela donne, je
le
répète, à l'ensemble du livre quelque
choses
d'indécis. Evidemment ce n'est pas une œuvre
d'art. Si, du
moins, ce défaut était racheté par
l'exactitude
matérielle, on serait porté à
l'indulgence. Par
malheur les erreurs de détails, de faits, de dates, sont
fréquentes même dans les parties de l'histoire
générale, qui sont et étaient
déjà
le mieux connues." (p. XXIII) A. Macé se lance alors dans
une
recension des erreurs, incohérences et contradictions
d'Aymar du
Rivail, attribuant à juste titre une part de ses
"bévues"
à "un zèle patriotique et provincial
exagéré." (p. XXV). Il en vient ensuite
à ce qui
fait tout de même l'intérêt de ce
travail et
justifie la traduction qu'il souhaite en donner : "Mais, sauf ces
réserves, on ne peut trop remercier Aymar du Rivail des
précieux renseignements qu'il nous donne sur la situation de
toutes ces contrées vers le milieu du XVIe siècle.
C'est une excellente topographie, très curieuse,
très
précieuse, très exacte encore aujourd'hui en ce
qui
concerne au moins la géographie physique
[...]. J'espère pouvoir le prouver, de mon
côté, à l'Académie, en lui
soumettant, dans
des séances prochaines, une traduction des parties les plus
curieuses de ce premier livre". (p. XXVIII)
Antonin Macé en profite pour discuter quelques points de
géographie historique locale comme de déterminer
où
le Drac se jette dans l'Isère, le cours de
la
Romanche, etc. dans de longues dissertations érudites et
argumentées. Au passage, il égratigne les
personnes
"instruites" qui défendent des "légendes
populaires".
Comment les Dauphinois ont-il perçu ces leçons
données par un professeur fraîchement
débarqué en Dauphiné ?
Signalons que, plusieurs fois, la pudibonderie propre au XIXe
siècle se trouve malmenée par la
crudité des propos de l'homme du XVIe
siècle. Lorsque Aymar du Rivail parle de sa femme Margo, A.
Macé relève qu"il s'arrête pour entrer
dans des
détails singulièrement intimes sur les
qualités et
les vertus de cette femme adorée", dont il ne donne que la
version latine. Lorsque il cite l'étymologie qu'Aymar du
Rivail
donne de Cularo
(Grenoble),
A. Macé parle d'"une étymologie qui ne peut
être
citée qu'en latin" car Aymar du Rivail fait venir Cularo de
"Cul". A. Macé ajoute : "On pourrait assurément
désirer des expressions un peu plus convenables" (p. XXI)
Description
du
Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse et
d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont au
XVIe siècle.
Texte principal (pp. 1- 313)
C'est le corps de l'ouvrage qui donne
la traduction en 27 chapitres du premier livre de l'Histoire des Allobroges,
d'Aymar du Rivail. Le premier chapitre donne le cadre
géographique général : "Bornes et
divisions du
pays des Allobroges. (Savoie et Dauphiné)". Il s'agit d'une
géographie historiques basée sur l'histoire des
peuples
anciens qui ont habité la région. Chaque
chapitre
contient des notes abondantes d'Antonin Macé,
essentiellement
consacrées à éclaircir des points du
texte et
à discuter des hypothèses, comme par exemple le
tracé de la route de Grenoble à
Briançon par Bourg
d'Oisans et les stations de la carte de Peutinger (pp. 59-64),
les
frontières du pays des Allobroges et des peuples voisins
(Cavares, Voconces, etc.) ou encore une discussion sur quelques
merveilles du
Dauphiné (pp. 194-200) avec, en particulier, une petite note
sur
l'ascension du Mont-Aiguille ("Mont Inaccessible").
Certains chapitres sont plus particulièrement
consacrés
à des villes du Dauphiné, de la Savoie et, pour
partie, de la Provence : Vienne, Romans,
Grenoble, Chambéry, Genève, Valence,
Montélimar, Orange, Avignon, Die, Vaison, Nyons,
avec, pour
chacune d'elles, un description des environs, ce qui permet ainsi de
couvrir tout le
territoire. Pour englober l'ensemble du Dauphiné, il
s'intéresse aux
peuples voisins des Allobroges comme les Cavares, les Voconces, les
Medulles, les
Sigoriens,
Les chapitres plus
spécialement consacrés aux Hautes-Alpes sont :
Chapitre XIX.
Les Sigoriens et Gap. (pp. 223-233), avec un
discussion sur la route d'Annibal qu'il fait passer par l'Ubaye. Il en
appelle à son expérience personnelle, ce qui est
novateur
car ce
sujet est souvent traité "en cabinet" : "Annibal monta vers
les
Alpes par la vallée de la Bréole; qui appartient
aux
Sigoriens, et après Barcelonnette, ville des Sigoriens,
descendit vers l'Italie. Nous avons fréquemment vu cette
route
d'Annibal, depuis le pays des Allobroges jusqu'à cette
partie
des Alpes, et nous avons pu reconnaître l'exactitude de la
description que Tive-Live a tracée de ces
localités. Ceux
qui croient qu'Annibal a passé ailleurs n'ont jamais
parcouru
ces pays et s'en réfèrent uniquement à
des
ouï-dire ou à des systèmes divers
d'historiens." (p.
225).
Chapitre XX.
Les Alpes Maritimes. Chorges et Embrun. (pp. 234-240)
Chapitre XXI. Les Alpes
Juliennes et Cottiennes; Briançon.(pp.
241-261). Dans ce chapitre, c'est le seul endroit où est
explicitement citée un montagne, le Mont-Viso. Tous les
autres sommets de la région sont totalement
ignorés (p. 247). Dans une très longue
note, Antonin Macé reprend la question de la vraie
source de la Durance entre celle connue au Mont-Genèvre et
celle qui donne naissance à la Clarée. Il
précise : "je vais reprendre la question, que j'ai
étudiée sur les lieux mêmes, et
l'excellente carte du général Bourcet
à la main." (p. 252). Il conclut évidemment : "La
véritable Durance est la rivière
désignée sous le nom modeste de la
Clarée, et qui, à tort, en arrivant à
la Vachette, est absorbée par les géographes dans
le ruisseau du Mont-Genèvre, tandis que, en
réalité, elle s'aperçoit à
peine de recevoir le tribut de ce ruisseau." Une autre longue note est
consacrée à la Manne du Briançonnais
(pp. 256-259).
Dans le Chapitre XXII. Les Garucelles et
la Maurienne, il parle brièvement de l'Oisans
(pp. 263-264), plus que dans le chapitre sur les "Environs de Grenoble"
(p.70). Cela donne l'occasion à A. Macé de
produire une note sur l'utilisation de la fiente de vache
comme combustible et de l'usage de cuire le pain une fois par an. (pp.
271-272).
Sa note sur le Vénéon montre que la topographie
de la région était encore très
approximative pour notre savant, ce qu'il partage avec les autres
écrivains sur les Alpes dauphinoises, jusqu'aux
années 1860 : "LeVénéon
formé de deux torrents le Vénéon
proprement dit, qui prend sa source à la pointe de Chiare,
le Lavet, qui sort de la pointe de la Muande dans le mont.Pelvoux, la
plus haute montagne de France ( 4 300 mètres ).
Après sa jonction avec le Lavet, le
Vénéon arrose les vallées de
Saint-Christophe et de Venosc en Oisans, et va enfin se jeter dans la
Romanche un peu au-dessus du Bourg-d'Oisans." (p. 271).
Appendices
(pp. 314-349). Ce sont deux notes qui, par leur
développement, ont été mises en annexe
:
Des divers
systèmes sur le passage des Alpes par Annibal.
(pp. 314-342). Les contradictions d'Aymar du Rivail à ce
sujet sont l'occasion, pour Antonin Macé, de
développer largement ses réflexions et son
opinion sur le passage d'Annibal. Il se range à
l'hypothèse du passage par le Mont-Cenis, en
s'appuyant en particulier sur l'ouvrage de Larauza. Les
hypothèses par les cols des Hautes-Alpes
(Monte-Genèvre, Mont-Viso, Queyras, etc.) sont
réfutées et discutées pp. 323-331
Des routes actuelles
dans les Alpes. (pp. 343-349), qui contient en particulier
un
développement sur la route du
Mont-Genèvre.
Additions
et corrections (p. 350)
Table alphabétique et comparative des noms français et latins des peuples et pays décrits ou cités dans cet ouvrage. (pp. 351-362). Débute par un Avis concernant cette table. (p. 352). Cette table donne, pour les noms français, la traduction latine correspondante chez Aymar du Rivail.
Table
des matières (pp. 363-364).
Dans son Avant-propos, A. Macé se faisait le promoteur des guides régionaux : "Avec leur esprit pratique, les Anglais ont, dans leurs Hand-Books, d'excellents modèles d'une classe intermédiaire de livres que je voudrais qu'on imitât en France. Moins secs, moins arides, moins hérissés de chiffres et de tableaux que nos Statistiques, ils sont bien autrement sérieux et instructifs que nos prétendus Guides du voyageur. On y trouve des notions simples, précises, exactes, sur la géographie physique de chaque pays, c'est-à-dire sur les montagnes, les vallées, les golfes, les îles, les fleuves, les cours d'eau; sur les canaux, les routes et leurs relais, les chemins de fer, les distances relatives des villes et même des villages; les antiquités, les monuments, les souvenirs historiques; le commerce, l'industrie, l'agriculture; le tout accompagné de plans, de cartes, de vues admirablement exactes, et dans lesquelles l'art ne perd rien quoiqu'il n'emprunte rien à l'imagination." (pp. XII-XIII). Par cet ouvrage, il espère contribuer à cela. Il trace aussi la voie aux futurs ouvrages qu'il fera paraître. En effet, c'est le premier travail publié par Antonin Macé, breton d'origine, que le hasard des affectations a conduit en Dauphiné, région à laquelle il s'attachera et dont il deviendra un des promoteurs. Ce premier ouvrage est aussi un façon de faire connaître le passé et la diversité de la province. Plus tard, il sera un des pionniers du tourisme en Dauphiné par ses guides des chemins de fer, puis ses deux plaquettes sur les montagnes de Saint-Nizier et surtout sur Belledonne. Sur ce dernier point, il sera même un des pionniers de la découverte et de la promotion des Alpes dauphinoises.
Dans cette volonté de mettre à disposition du plus grand nombre un texte qui était inaccessible à la plupart, parce que publié en latin, on peut y voir une application pratique des idées libérales et démocratiques d'Antonin Macé. Cela va dans le même sens que les cours populaires qu'il délivrera de 1854 à 1875 pour mettre le savoir historique à la portée de tous.
Le manuscrit original d'Aymar du Rivail
a
été publié pour la première
fois
par Alfred de
Terrebasse, en 1844, après avoir retrouvé la
partie qui
avait disparu. Cette publication a reproduit le texte latin, avec des
notes en latin. Seule l'introduction est en français, avec
quelques éléments sur la vie d'Aymar du Rivail.
Cette
belle publication, sortie des presses de Louis Perrin, était
réservée à des érudits :
Aymari Rivallii [Aymar
du Rivail], Delphinatis. De Allobrogibus. Libri
novem. Ex autographo codice Bibliothecae Regis editi. Cura et Sumptibus
Aelfredi de Terrebasse [Alfred de Terrebasse].
Viennae Allobrogum, apud Jacobum Girard, bibliopolam [Vienne, Jacques
Girard, Libraire], 1844, in-8°, [6]-XXVII-608 pp.
Pour voir la notice, cliquez-ici.
Le premier contre-plat contient trois ex-libris héraldiques disposés en colonne, par ordre chronologique des propriétaires de haut en bas.
Ex-libris Pour agrandir, cliquez sur la photo |
Ex-libris
Laurent de Crozet 66 mm x 48 mm |
Ex-libris
Amédée de Crozet 40 mm x 40 mm |
Ex-libris
Charles Schefer 63 mm x 60 mm |
Le premier propriétaire est Laurent de Crozet :
Extrait de la notice biographique de Laurent de Crozet dans Les bibliophiles et les collectionneurs provençaux, anciens et modernes - arrondissement de Marseille, Marseille, 1897, pp. 147-152.
"CROZET (JOSEPH-LAURENT DE),
né et mort
à Marseille (10 décembre 1809-4 juillet 1881),
fils de
Pierre-Jean-Baptiste-Marie, et de Victoire d'Alayer de Costemore;
époux de
Thérèse-Joséphine-Elisabeth Savine.
M. de Crozet (1) n'était pas de ceux qui recherchent le
bruit et
la renommée ; tout au contraire, c'est sous le voile de
l'anonyme qu'il a publié la plupart de ses ouvrages, et
cependant, quiconque dans notre pays s'occupe d'histoire, de
littérature et de bibliographie, peut apprécier
son
incontestable érudition. Son amour des livres
était en
quelque sorte proverbial : amour éclairé par un
goût raffiné dont une grande fortune permettait de
satisfaire les plus coûteuses fantaisies. Aussi, M. de Crozet
parvint-il à former une immense bibliothèque,
citée parmi les plus remarquables du Midi de la France, a
l'accroissement de laquelle il mettait tous ses soins, sans partager
néanmoins les errements de ces entasseurs de livres qui
pensent
faire beaucoup en réunissant volumes sur volumes, pour les
classer selon des méthodes plus ou moins rationnelles. Les
nombreux visiteurs qui franchissaient le seuil de sa maison si
hospitalière restaient littéralement
émerveillés à la vue des
trésors de ces
vitrines où le luxe des reliures, dues à nos
premiers
artistes, le disputait à la rareté et
à la
beauté des exemplaires. Et, si quelque chose
égalait les
richesses de cette bibliothèque, qui occupait un
étage
tout entier, c'était la courtoisie de son possesseur,
toujours
disposé à en faire les honneurs.
La science du bibliophile, chez M. de Crozet, se complétait
tant
par l'esprit le plus cultivé que par le goût le
plus
délicat. Aussi, lorsque cet homme de savoir et de bonne
compagnie céda à la tentation de prendre une
plume, il se
révéla naturellement écrivain, et
écrivain
du meilleur aloi, parlant une langue franche et alerte comme son
esprit, avec une pointe d'originalité et
d'archaïsme qui
sera toujours goûtée dans notre pays gaulois.
M. de Crozet avait rapporté de ses nombreux voyages bien des
souvenirs, bien des impressions, qu'il consigna dans des plaquettes
tirées à très petit nombre, et dans
des articles
de journaux, la Gazette
du Midi entre autres, qui fut heureuse de recueillir ainsi
plus d'une primeur.
Quel est donc l'amateur chez lequel on ne relève pas une
bizarrerie quelconque ? M. de Crozet, lui, ne voulait pas qu'on
pût se vanter de posséder la collection
complète de
ses œuvres, et dans ce but, il s'appliquait à ne
pas faire
imprimer plusieurs feuilles d'un ouvrage chez le même
imprimeur,
ni avec les mêmes caractères, encore moins sur le
même papier. Cela seul indique la difficulté
réelle
qu'il fallait surmonter pour posséder toutes ses
publications.
Un seul homme, – un bibliophile naturellement, –
c'était M. de Régis de La Colombière
(voyez ce
nom), réussit cependant à s'en procurer la
totalité..., sauf une feuille. Ayant pu, sous un adroit
prétexte, avoir communication, pendant quelques heures, d'un
exemplaire où se trouvait cette fameuse feuille, il en prit
à la hâte une copie à la main. Et
voilà
comment M. de Régis de La Colombière
posséda seul,
– avec l'auteur, – la collection
complète des
ouvrages [..., dans la version numérisés
consultée, il manque la p. 149 et la p. 150 n'apporte rien
sur
la partie bibliophilique].
Peu d'existences ont été mieux remplies que celle
de
Laurent de Crozet, et c'est assurément de lui qu'on peut
dire : transiit
benefaciendo.
A sa mort, sa bibliothèque, déjà
amoindrie par une
vente faite, en 1876, à la maison Bachelin-Deflorenne (2),
échut en partage à l'un de ses fils, M.
Amédée de Crozet, qui en céda la
meilleure part
à notre grand bibliophile aixois, M. Paul Arbaud. Le reste
fut
acquis par les libraires parisiens Claudin (3) et Détaille
(4).
Ex-libris : (fig. 17) : ECU ovale, sur un cartouche que surmonte un casque taré de face, accompagné de lambrequins. Armes : D'azur, à trois croisettes d'argent accompagnées de trois étoiles d'or, mal ordonnées. Légende : BIBLIOTHÈQUE DE LAURENT DE CROZET. Le tout est entouré d'un encadrement rectangulaire, avec ces noms sur chacun des côtés : ERIC OLIMBARIUS. APICIUS A VINDEMIIS. GHERAIOS LE BOUQUINISTE. MILORD BARIMBOROUGH (3). A droite, au-dessous du filet, la signature : Deloume (4). Lithographie."
(1) Son grand-père,
Simon-Joseph-François, époux de
Josèphe-Vincence-Marguerite de Barbarin, fut reçu
secrétaire du Roi en la chancellerie du Parlement de
Provence,
le 8 août 1782, en remplacement de Nicolas-Balthazar Mille,
démissionnaire en sa faveur. Le 26 août de la
même
année, il obtint des lettres de survivance. (Archives des
Bouches-du-Rhône, série B, Cour des Comptes, reg.
157
(Maurepas), fos 348-352.)
(2) Catalogue de livres
rares et
curieux, anciens et modernes, à prix marqués,
provenant
de la collection de M. de C***, de Marseille, 2 parties,
1876.
(3) Catalogue
de bons livres anciens et modernes provenant de la
bibliothèque de feu M. L. de C***, 1883.
(4) Catalogue
des livres composant la
bibliothèque provençale de M. de C**,
1883.
(5) Principaux pseudonymes de Laurent de Crozet.
(6) Graveur marseillais, mort en 1867.
Le deuxième propriétaire est Amédée de Crozet, fils de Laurent de Crozet, né à Marseille le 8 novembre 1847 et décédé aussi à Marseille le 20 avril 1896. Comme on l'a vu ci-dessus, il a hérité d'une partie de la bibliothèque de son père, dont il s'est ensuite dessaisi. Signalons qu'il avait un frère, Ernest de Crozet (1850-1917), qui vivait à Oraison et était membre des sociétés des Basses et des Hautes Alpes. Il possédait lui-même un ex-libris :
Enfin, le troisième
propriétaire est
Charles-Henri-Auguste Schefer, né le 16 novembre 1820
à
Paris où il est mort le 3 mars 1898. C'est un orientaliste,
écrivain, traducteur, historien et géographe
français. Sa bibliothèque a
été vendue lors
de plusieurs ventes :
Catalogue de livres
précieux
(Vente dite "Schefer et Monjomet"). Paris, Hôtel des
commissaires-priseurs, salle 3, 5 avril 1880, Me Maurice Delestre
Paris, A. Labitte, [1880 ?]
Vente du 21 Novembre et
des dix jours
suivants,... Catalogue de bons livres anciens et modernes provenant de
la bibliothèque de feu M. Ch. Schefer...
Paris, Ch. Porquet, 1898
Catalogue de bons livres
anciens et
modernes provenant de la bibliothèque de feu M. Ch. Schefer
2e
partie [Vente Salles Silvestre 21 Novembre-1er Décembre 1898]
Paris, Porquet, 1898, 182 p.
Catalogue de vente des
livres de Charles Schefer, du 17 avril à 6 mai 1899
Ernest Leroux, 1899
Vente du 8 Mai et des
six jours
suivants,... Catalogue de bons livres anciens et modernes provenant de
la bibliothèque de feu M. Ch. Schefer,...
Paris : Ch. Porquet, 1899
Catalogue de livres
anciens et modernes provenant pour la plupart de la
bibliothèque de feu Ch[arles] Schefer
Maisonneuve, 1899.
Peut-être que cet exemplaire
est apparu dans une de ces ventes.
Références (Voir : Liste des sources et références)
Notice biographie de Antonin Macé
Perrin : 387
Rochas, I, 352 : « Il fournit, notamment
sur plusieurs
villes, des renseignements archéologiques que l'on ne
retrouve
pas ailleurs. Ces renseignements ont donné lieu à
l'ouvrage suivant : Description
du
Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse et
d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont au
XVIe s. Extrait du premier livre de l'Histoire
des Allobroges, par Aymar Du Rivail, tr. par Ant. Macé.
Grenoble, 1852, in-8° et in-12. »
BNF : 8-LK2-631