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Joseph
Dominique de Rochas
Avocat au Parlement de Grenoble, ancien maire
de Gap
Mémoire
sur la ville de Gap
depuis l'origine jusqu'à l'an 1800.
Description de l'exemplaire (Voir : Notes sur la description des ouvrages)
Manuscrit, in-8° (265r x 205r mm), [4]-XVIII-[6]-386-[32] pp. | ||
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Notes sur l'exemplaire
Demi-basane marron à coins,
dos à nerfs.
Exemplaire personnel d'Albert de Rochas d'Aiglun avec
son ex-libris collé sur le premier
contre-plat (voir ex-libris
dauphinois).
Exemplaire contenant 3 documents reliés
à la fin de
l'ouvrage : un fragement du manuscrit original et deux lettres
manuscrites.
Jointe une lettre manuscrite.
Notes sur l'ouvrage
Copie manuscrite d'une histoire de la
ville de Gap,
rédigée par Joseph Dominique de Rochas dans la
deuxième moitié du XVIIIe
siècle, et
reliée,
avec d'autres documents, par son arrière petit-fils Albert
de
Rochas d'Aiglun, après une tentative de publication par
l'Académie delphinale.
Joseph Dominique de Rochas, avocat et
homme de loi
gapençais, un temps maire de sa ville natale, entreprit au
milieu
du XVIIIe
siècle de rédiger une histoire de la ville de
Gap. Pour cela, il s'appuya sur les nombreux documents
présents
dans les archives de la ville et les archives
ecclésiastiques.
Il
utilisa des mémoires de l'historien gapençais
Juvenis
(1628-1705), aujourd'hui disparus, dont il se dit le continuateur. Pour
les périodes plus récente, il se
référa ses souvenirs
et ses informations personnelles. De tout cela, il résulta
un
mémoire manuscrit sur la
ville de Gap, resté dans les mains de la famille. Il n'y a
avait
alors eu aucune histoire complète de la ville et ce
mémoire est lui-même resté
inédit (a-t-il
même eu l'intention de le publier ? l'histoire ne le
dit pas). Il
faudra attendre l'historien Théodore Gautier pour avoir une
première histoire imprimée de la ville de Gap.
Son Précis
de l'histoire de la ville de Gap parut en 1844.
Dans son
introduction, il sait rendre hommage au travail de son
prédécesseur, qu'il eut à sa
disposition et qu'il
utilisa.
Après le
décès de Joseph
Dominique de Rochas en 1807, le manuscrit resta dans la famille. En
réalité, il en existait deux versions. Sur la
base de
son premier mémoire manuscrit, Joseph
Dominique de Rochas avait composé une nouvelle version de
cette
histoire où il refondait le plan
et donnait plus de liant à l'ensemble des documents qui
étaient
parfois sèchement recopiés dans le premier
manuscrit. La
première version de cette histoire de la ville de Gap fut
donnée à la Bibliothèque Municipale de
Grenoble,
où
elle est toujours conservée dans le fonds dauphinois
(U.911).
Quant à la version revue, elle resta dans la
famille
où elle
échut à Victor de Rochas. En 1877,
après un
accident qui vit disparaître les 44 premiers feuillets, fut
faite
une copie manuscrite par Albert de Rochas d'Aiglun, un autre
descendant. Il soumit ce mémoire à
l'Académie
delphinale en vue d'une publication, au titre des documents sur
l'histoire des Hautes-Alpes. Le manuscrit fut confié
à
Eugène Chaper, qui se déclara
incompétent
pour juger de sa valeur. Il se retourna vers un autre membre
de
l'Académie delphinale, A. de Taillas, alors correspondant de
l'Académie et
historien des Hautes-Alpes. Celui-ci étudia le
manuscrit et
eut
à se prononcer sur la qualité de travail et sur
l'accusation de plagiat qui planait sur ce mémoire depuis
les
affirmations d'Adolphe Rochas.
En effet, ce dernier consacre une notice biographique
à
Joseph Dominique de Rochas, dans sa Biographie du Dauphiné
(T. II, p. 354). Il rappelle que "son
désintéressement, sa probité, son
excessive
délicatesse et une piété solide,
profonde et
éclairée l'avaient fait
vénérer, et qu'il
fut enlevé à ses concitoyens dont il
était le
modèle, le 27 août 1807." Après cet
éloge,
il se fait l'écho de l'opinion de Clément Amat
sur la
paternité de ce Mémoire
: "Personne jusqu'à ce jour n'a songé
à lui
contester la paternité de ces Mémoires; mais
d'après M. Clém. Amat, celui de nos bibliophiles
dauphinois qui connaît certainement le mieux l'histoire
littéraire des H.-Alpes et qui a
étudié
attentivement la question, cet ouvrage ne serait pas de lui; il aurait
eu en sa possession des mémoires inédits de
Juvenis sur
le même sujet, et après les avoir
copiés,
commentés et continués sous son nom, il en aurait
détruit le manuscrit original. Ainsi s'expliquerait la
disparition d'un ouvrage qui, comme nous l'avons
déjà dit
dans notre t. Ier (p. 464, n°
V), a échappé jusqu'à ce jour aux
investigations."
L'analyse de A. de Taillas conclut
à
l'authenticité du travail de Rochas et lui rend la totale
paternité de ses recherches et de sa rédaction.
Malgré cela, lors de
la
séance du 25 janvier 1878, après avoir
écouté le
rapport de Taillas, puis les conclusions d'Eugène Chaper,
l'Académie delphinale argue de sa pauvreté pour
ne pas
publier ce mémoire. S'agit-il d'un prétexte, la
qualité
historique du document ne justifiant pas une telle publication, surtout
revêtue de l'imprimatur de l'Académie delphinale ?
S'agissait-il
d'un appel à Albert de Rochas pour qu'il participe au
financement
? Ou, tout simplement, devant l'abondance des demandes d'aide faites
à
l'Académie, celle-ci n'était tout simplement pas
capable
de répondre à toutes ces sollicitations ?
L'affaire en
resta
là et cette histoire de la ville de Gap ne fut jamais
publiée.
En
définitive, Albert de Rochas
réunit la
copie manuscrite qu'il avait de ce mémoire, avec le rapport
de
1878 de l'Académie delphinale qui lavait à jamais
son
ancêtre de la double accusation de plagiat et de destructeur
de manuscrit. Il
ajouta une
courte préface, un fragment du manuscrit original,
probablement sauvé de la destruction des 44 pages, deux
lettres
d'Eugène Chaper au sujet de la publication de ce
mémoire
et du rapport, et il fit relier le tout. C'est cet ouvrage qui a
maintenant rejoint ma bibliothèque.
A ma connaissance, et malgré
mes recherches, il n'existe pas d'autres
copies manuscrites de ce mémoire sur la ville de
Gap dans les
dépôts publics de France. Seule existe la
première
version, qui se trouve à Grenoble. C'est donc un document
unique que je présente, sauf à voir
apparaître une
autre copie, voire le fragment subsistant du
mémoire original.
Albert de Rochas d'Aiglun a publié un extrait de ce mémoire dans La campagne de 1692 dans le Haut Dauphiné, Paris, Grenoble, 1874 : Extrait des mémoires relatifs à l'histoire de Gap, par Joseph-Dominique de Rochas (pp. 177-179), pour ce qui concerne les événements de 1692. En note, il affirme de façon plus péremptoire : "La bibliothèque de Grenoble ne possède que les notes qui ont servi à la rédiger; le manuscrit définitif est resté dans la famille de l'auteur." (note p. 177). Autrement dit, cette copie manuscrite est celle du mansucrit définitif.
Contenu de l'ouvrage :
- Titre et faux titre (p. [1-3])
- Préface
(pp. I-II). Signée par A. de Rochas : Blois, 1er
mars 1887. Courte préface où A. de Rochas
rappelle
l'histoire de ce manuscrit et revient brièvement sur
l'accusation de plagiat.
- Lecture faite
à
l'Académie Delphinale dans la séance du 25
janvier 1878,
par Mr Chaper, vice-président.
(pp. V-XVIII). Ce rapport
inclut l'étude d'A. de Taillas sur les
différences entre
cette version et la précédente,
possédée
par la Bibliothèque Municipale de Grenoble. Il
démonte
aussi l'accusation de plagiat. Au passage, il se montre très
critique sur la qualité de l'ouvrage : "le texte de Rochas
est
souvent lourd et diffus", "Ces mémoires n'ont pas
un
intérêt qui invite à poursuivre la
lecture
commencée.", etc. Cela est peut-être à
mettre
en rapport
avec la conclusion générale du rapport,
présentée par E. Chaper, qui est
sans appel : "l'état lamentable de nos finances ne nous
permettra certainement pas " de le publier.
- Titre du début du manuscrit : Mémoire
ou Recueil de faits historiques sur la ville de Gap par Joseph
Dominique de Rochas d'Aiglun, avocat au parlement de Grenoble, Maire de
la ville de Gap. (p. [1]).
- Avertissement
(pp. [3-5]).
J.-D. de Rochas rappelle qu'il a écrit cette histoire en se
basant sur les documents anciens présents dans les archives
de
la ville. Il s'attache surtout "à faire connaître
ses
droits, ses libertés et privilèges". Dans son
étude du texte (voir ci-dessus), A. de Taillas
remarquait
que l'auteur était particulièrement
attaché
"aux
droits des populations", ajoutant : "Personne n'est plus que lui,
antiféodal et il est assez singulier de voir un homme d'une
piété dont la tradition comme ses
écrits
témoignent, attaquer avec autant de vivacité
l'autorité temporelle de ses évêques."
Il en
conclut : "C'est un signe des temps et l'on ne saurait douter que les
idées nouvelles n'eussent déjà
pénétré à cette
époque dans les
provinces les plus reculées et que la révolution,
avant
de renverser nos vieilles institutions, ne fut
déjà dans
les esprits". Pour ma part, je crois qu'il faut surtout voir dans la
position de Rochas celle que partage de nombreux haut-dauphinois,
attachés aux libertés et privilèges
conquis par
les populations locales, souvent la bourgeoisie locale. C'est par
exemple l'esprit des Briançonnais où
l'on trouve en même temps un grand attachement aux
traditions, un esprit religieux, voire un certain conservatisme,
alliés à une méfiance profonde
vis-à-vis de
tout pouvoir qui pourrait empiéter sur les
privilèges
acquis de haute lutte à la fin du moyen âge. Il ne
faut
pas y voir l'influence des idées nouvelles, d'autant que ces
idées détruiront les institutions mises en place
dans ces
régions. Dans la méfiance vis-à-vis du
haut
clergé, il y a une probable réminiscence de
l'influence protestante qui, comme on le sait, a
été très présente dans ces
régions.
Rappelons pour finir que malgré ses prétentions
nobiliaires, la famille Rochas et Dominique Joseph Rochas lui
-même appartenait plutôt à la
bourgeoisie urbaine
commerçante et au mondes des hommes de loi
qu'à la noblesses
à
laquelle ses descendants s'efforceront de se raccrocher.
- Texte du mémoire proprement dit (pp. 1-376, les pp.
377-386
sont restées blanches). Il est divisé en XX
chapitres.
Selon un usage ancien, on trouve dans la marge gauche un court
résumé du sujet traité dans le
paragraphe
associé et, en face, dans la marge droite, la date
correspondante. L'histoire va des origines jusqu'à 1789,
mais la
Révolution est à peine abordée et plus
généralement le XVIIIe
siècle est
rapidement traité. Le
cœur du mémoire correspond à la
période
allant du XIIe au XVIIe
siècles, ce
qui s'explique aisément par la méthode
utilisée,
à base de documents authentiques. Avant le XIIe
siècle, il n'y a pas de matière. Pour cette
période, l'auteur s'est contenté de faire une
compilation
des historiens, en particulier Nicolas Chorier avec son Histoire du Dauphiné.
Exemple
de page |
Pour agrandir, cliquez sur la photo |
- Table des matières (pp. [1-26]). Cette table des
matières soigneusement établie permet de
retrouver les
différents sujets traités. Les numéros
de page
sont ceux du manuscrit. Telle qu'elle est, c'est la preuve que tout
était prêt pour une publication. Cela fait de cet
exemplaire un vrai outil de travail, permettant d'exploiter la
matière mise en forme par J.-D de Rochas.
- Les 6 dernières pages sont restées blanches.
Entre ces pages, sont reliés 3 documents :
- Un feuillet du manuscrit original
(voir la reproduction ci-dessous).
- Une lettre d'Eugène Chaper,
du 16 janvier
1878, avant la lecture devant l'Académie Delphinale,
annonçant les principales conclusions qui seront
présentées (voir ci-dessus).
- Une lettre d'Eugène Chaper,
du 13 novembre
1879, en réponse à l'étonnement
d'Alfred de Rochas
de ne pas voir le rapport sur le mémoire dans le bulletin de
l'Académie Delphinale. Eugène Chaper
déconseille
aussi de le publier tel quel et suggère de se rapprocher
d'A. de
Taillas pour préparer un article plus
général sur
l'histoire des Hautes-Alpes. Visiblement, A. de Rochas tenait fortement
à ce que le démenti de l'accusation de plagiat de
son
bisaïeul soit publié, ce que l'on comprend. Il
n'obtient
pas beaucoup de répondant de la part d'Eugène
Chaper et
l'Académie Delphinale.
Fragment |
Lettre |
Pour agrandir, cliquez sur les photos |
Une autre lettre, plus tardive, de Paul Guillaume, datée du
19
août 1897 et jointe à l'exemplaire, permet de
comprendre
qu'Alfred de Rochas s'est ensuite rapproché de l'archiviste
des
Hautes-Alpes, probablement pour envisager une publication
appuyée par l'autorité de ce grand
érudit
haut-alpin. Il n'a pas eu plus de succès. De plus,
à
cette même époque, Paul Guillaume travaillait
à la
publication de l'histoire de la ville de Gap
de Théodore Gautier, dont la
qualité et
l'intérêt sont largement plus grands. Et pourtant,
là aussi, il a eu du mal à trouver le financement
nécessaire.
Les historiens successifs de Gap ont
rappelé l'existence de ce Mémoire,
sans pourtant lui accorder une attention très grande.
Le premier, Théodore Massot, auteur de la notice
sur Gap dans l'Album du Dauphiné,
(tome II, pp. 36-37) : "Joseph-Dominique de Rochas a
laissé des mémoires estimés, dans
lesquels nous
avons souvent puisé pour écrire cette notice. Ses
compatriotes conservent un souvenir précieux de sa haute
probité et de sa patiente érudition; il est mort
le 27
août 1807." Ensuite, Théodore Gautier,
dans son Précis
de l'histoire
de la ville de Gap,
1844, constate sobrement et un peu perfidement :
Joseph-Dominique
de Rochas "est moins connu par cet ouvrage, le seul qu'il ait
laissé, que par son désintéressement,
sa
probité, une excessive délicatesse, et une
piété solide, profonde et
éclairée. M. de
Rochas a fait preuve d'érudition, de capacité et
surtout
d'une grande patience en recherchant dans la poussière des
archives de l'hôtel de ville les matériaux qui ont
servi
à la rédaction de ses Mémoires. Je
pense qu'aucun
vieux parchemin, aucune paperasse vermoulue n'ont
échappé
à ses longues investigations, et que, comme Juvenis, non
moins
pieux que lui, le principal but de son travail fut de signaler les
envahissements sur les libertés municipales,
opérés à diverses époques
par les
évêques-seigneurs de Gap; car il recommande
à ses
héritiers de ne pas hésiter à en faire
usage, le
cas échéant où de nouveaux
différends
viendraient à s'élever sur les droits de la
cité."
(pp. 156-157). Dans son histoire manuscrite de la ville de Gap
qui
ne fut publiée par Paul Guillaume qu'en 1909, il se montre
nettement plus sévère (T. I, p. 2) :
"son travail
manque d'ordre et de méthode" et il a
"à peine
effleuré la matière". Quant à Joseph
Roman, dans
la Préface
de son Histoire de la
ville de Gap,
1892, il l'expédie en 2 phrases : "C'est un
résumé
des lectures de l'auteur et de ses souvenirs personnels. On y trouve
peu de choses qui ne soient ailleurs." (p. X).
Commentaire personnel
Malgré les avis
mitigés sur
l'importance de ce manuscrit, c'est une pièce rare qui orne
maintenant ma bibliothèque. Il est émouvant de
posséder cette copie pieusement conservée et
reliée par Albert de Rochas,
témoignage de ses
tentatives pour faire publier ce document et, dans le
même
temps, laver l'honneur de son bisaïeul sali par les
allégations (les "cancans", comme le dit E. Chaper dans une
de
ses lettres) de Clément Amat, reprises par Adolphe Rochas.
Ce mémoire est un témoin des tentatives de certains habitants de Gap, attachés à leur ville, pour écrire une histoire de leur cité et de ses luttes pour défendre ses libertés contre les empiétements des "puissants", en l'occurrence les évêques de Gap.
Références (Voir : Liste des sources et références)
Notices biographiques d'Albert de Rochas d'Aiglun
et de son arrière grand-père Joseph-Dominique
de Rochas.