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M. Cambry
De l'Académie Celtique, de la Société Impériale d'Agriculture, des Académies de Cortone, de Vérone, &c.

Monumens celtiques
ou Recherches sur le Culte des Pierres,
Précédées d'une Notice sur les Celtes et sur les Druides, et suivies d'Etymologies celtiques.

Description de l'exemplaire  (Voir : Notes sur la description des ouvrages)

Paris, Chez mad. Johanneau, Libraire, An XIII – 1805, in-8° (220 x 130 mm)
XL-431 pp., 7 planches dépliantes (gravures sur acier) hors texte.
Monuments celtiques, J. Cambry : titre Monuments celtiques, J. Cambry : reliure
Pour agrandir, cliquez sur les photos

Notes sur l'exemplaire

Demi basane racinée, dos à 5 nerfs ornés de fleurons dorés, pièce de titre marron.
Non rogné.
Exemplaire de la bibliothèque de Henri Ferrand avec son ex-libris (voir ex-libris dauphinois).
Etiquette de relieur : « Douron – Relieur – Grenoble » (L'ouvrage a été relié pour Henri Ferrand - note du relieur au dos de la dernière planche).

Notes sur l'ouvrage

Cet ouvrage tente un inventaire des mégalithes dans le monde. L'auteur leur attribue une origine celtique et les met en relation avec les cultes druidiques.

Dans la Préface (pp. XVII-XXXVII), l'auteur, se réclamant de ses origines bretonnes, promeut l'étude de la culture celtique, dont les vestiges se retrouvent dans les monuments élevés par les Celtes, mais aussi dans les langues encore parlées. Il se montre ainsi un précurseur des études celtiques, en particulier par son intérêt pour la langue bretonne et son origine celtique. La suite de l'ouvrage contient une étude sur les Celtes et les Druides et un inventaire des monuments celtiques en France et dans le monde (Iles britanniques, Germanie, Sarmatie, Italie, Suisse, Thrace, Grèce, Asie, Egypte, Espagne, Portugal). Sous le terme de monuments celtiques, J. Cambry entend les différentes formes de mégalithes : alignements, tumulus, allées couvertes, dolmens, etc. En particulier, il donne une description précise des alignements de Carnac, illustrée de plusieurs planches. Il consacre ensuite une seconde partie de l'ouvrage à la langue celtique : vocabulaire des monuments celtiques, étymologies, réflexions, etc. L'ouvrage se termine par de nombreuses tables. Comme le précise une note de bas de page (p. 385), la partie consacrée à la langue celtique est l'œuvre d'Eloi Johanneau.

Dans le chapitre consacré aux monuments celtiques de la Gaule, il reproduit un mémoire (p. 239-262) sur les monuments celtiques des Alpes, de la Savoie et du Dauphiné, rédigé par Héricart de Thury, « jeune ingénieur qui joint à des connaissances très-variées le zèle, l'activité d'un jeune homme, et le talent de bien voir, qui n'est ordinairement que le fruit d'une longue expérience ». Ce mémoire est illustré de deux planches dépliantes, numérotées Ibis et IIbis.

Les monuments décrits par Héricart de Thury, avec les illustrations correspondantes, sont (pour agrandir, cliquer sur les photos) :

I "Monumens de la gorge de la Romanche en Oisans, départnt de l'Isère, près du Grand éboulement des Clots ou des Portes entre Livet et Gavet sur la Nouvelle Route de Grenoble à Briançon et en Italie par l'Oisans."
Voir pp. 239-242.
Ces rochers se trouvent avant les Roberts, à hauteur de la rivière de Rioupéoux (Roiu-Peirou) que l'on voit figurer sur l'illustration. Il existe aujourd'hui un hameau des Clots, qui doit correspondre à l'emplacement de cet éboulement.
L'auteur attribue une origine fantastique à ces rochers descendus de la montagne, qui ont ensuite été le support de petits oratoires en faveur de saints protecteurs.
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 1
 
 
II "Monument du Pied des Grandes-Rousses près du Lac Blanc en Oisans, départnt de l'Isère"
Voir pp. 242-243.
Ce monument, appelé le Tombeau du Prince, se trouve près de ruines appelées le château du Prince ladre, et de mines de plomb. L'emplacement actuel n'a pas changé de nom, c'est le Lac Blanc au pied du Pic du Lac Blanc, au dessus de l'Alpes d'Huez. Héricart deThury fait peut-être allusion aux mines de l'Herpie, d'où l'on extrayait du charbon et non du plomb.
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 2
 
 
III "Colonne de Joux ou de Jupiter et Champ du Conseil, sur le Col du Petit-Saint-Bernard, près et audessus du Lac."
Voir pp. 243-246.
Le cercle de douze pierres, à deux kilomètres de la colonne et représenté sur la figure, serait le lieu du conseil des 12 généraux d'Hannibal avant de descendre en Italie ! Il s'agit plus probablement du vaste cercle de pierres, ou cromlec'h, encore visible. Selon la notice Wikipedia,  le cromlec'h dessine une ellipse dont le grand axe, perpendiculaire à la route nationale, mesure environ 72 mètres. Sa datation demeure problématique (âge du Fer ?). Quant à la colonne, elle existe toujours sous ce nom.
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 3
 
 
IV "Pierre de Neyton ou Autel de Neptune dans le lac de Geneve, près de la porte de Rive".
Voir pp. 246-247
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 4
 
 
V "La Pierre Percée au dessus des houillères de Susville, Canton de la Motte, sur la gauche de la Route de Gap à Grenoble, près de La Mure".
Voir pp. 247-249.
Cette belle arche (voir notice avec photos), proche de La Mure, est évidemment un phénomène naturel. L'auteur veut pourtant croire qu'il s'agit d'un monument religieux ou historique, mais il ne trouve aucune légende s'y rapportant.
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 5
 
 
VI "Monumens, Tombeaux, Autels, &c. Elevés sur les Cols et dans les Passages ou défilés des Hautes-Alpes."
Voir pp. 249-257
Héricart deThury donne une vue générale de monuments dispersés dans le Briançonnais, l'Oisans, la Savoie, le Vercors, etc., qu'il illustre de plusieurs figures représentant les différents forme possible, mais sans donner de localisation précise. Il tente toujours d'obtenir des habitants les récits fantastiques ou légendaires attachés à ces monuments, ainsi que les noms sous lesquels ils sont connus. Il rapporte la légende de l'attribution de nombreux monuments anciens aux Sarrazins.
Il localise plus précisément deux monuments, qui sont partiellement figurés sur cette planche :
    - un ensemble de sept pierres coniques recouvertes chacune d'un bloc irrégulier, représenté en b, "près du lac Domaine, en descendant par le Vaudaine", appelé le Repos du Chevalier (p. 251). Il s'agit du lac des Doménons, au pied du Grand-Pic de Belledonne.
    - un monument, représenté en c sur cette planche, au col de l'Echelle dans le Briançonnais, en descendant vers Beaulard en Italie. Le lieu s'appelait le Bois de l'Oracle.
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 6
 
 
VII "Ruines du Château du Diable, dans la Vallée de l'Olle, en Oisans (Isère)."
Voir p. 257.
L'auteur ne situe pas précisément ces ruines. Dans ce cas, l'auteur veut démystifier ce "monument", qu'il appelle aussi le Château de Robert. Ce ne sont que des "blocs de rochers très-élevés", "qui sont en grande vénération dans le pays". Il illustre ainsi "les récits et les fables du naïf montagnard". A naïf, naïf et demi !
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 7
 
 
VIII "Les deux Freres Mineurs dans le Vallon des Acles près de Briançon"
Voir pp. 257-258
L'auteur précise que ce monument se trouve près du col de la Lauze. Il existe effectivement une col de la Lause, au fond de la vallée des Acles et proche du Col des Trois Frères Mineurs, dans la vallée de Névache. Visiblement, depuis l'époque d'Héricart deThury, un troisième rocher a rejoint les deux qu'il avait vus ! Il ajoute que ce monument est en grande vénération chez les mineurs piémontais qui viennent "en pays étranger".
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 8
 
 
IX "Portes Vielles du Mnt de Lans en Oisans à 600 m. à pic sur la Romanche. (Isère.)"
Voir pp. 258-261
Il s'agit de la Porte de Bons, sur la commune de Mont-de-Lans, qui correspond au tracé de l'ancienne voie romaine de l'Oisans. La figure représente deux restes de porte, alors qu'il n'en reste qu'une seule aujourd'hui. Héricart deThury ne sait pas les dater (voir notice et photos, qui cite aussi la deuxième porte).
Voir une photo de la porte de Bons par Henri Ferrand dans : Une collective à la Porte Romaine et au Col de l'Alpe. 21 mai 1905.
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 9
 
 
X  "Portail des Sarrasins à la Rochette dans la Vallée du Buech de Durbon. (Htes Alpes.)"
Voir pp. 261-262
Par ce monument, l'auteur illustre la croyance des populations qui attribuent tous travaux d'art un peu audacieux aux Sarrazins. Il remet en doute cette attribution, mais ne propose pas d'autres hypothèses, si ce n'est que ce passage date du temps des "cavernes".
Je n'avais pas identifié ce monument. Un lecteur du site m'a indiqué :  
" Vous montrez la "porte des sarrazins" à "La Rochette". C'est un lieu bien connu dans les Hautes Alpes. On y passe, soit par la RN 75, soit par le train, exactement entre Saint Julien en Beauchène et La Faurie. Il se peut que cette tour ait marqué la limite nord de l'extension des sarrazins. En tous cas, je l'ai toujours entendu appeler "tour des sarrazins". Aujourd'hui la route et le train ne passent plus par l'arche qui est visible sur la gravure ancienne, mais traversent le Buëch sur des ponts pour changer de rive."
Dans Châteaux médiévaux des Hautes-Alpes, M.-P. Estienne et N. Nicolas ajoutent que les ruines sur le piton sont celles d'un château médiéval possédé aux XIIe et XIIIe siècles par les seigneurs de Bôchaîne et de la Baume-Noire, puis, au XIVe siècle par la famille Artaud (p. 46).
Monuments celtiques, J. Cambry : monuments du Dauphiné, 10


Ces illustrations sont extraites de deux planches, qui se présentent ainsi :

Planche Ibis
Monuments celtiques, J. Cambry : planche Ibis
Planche IIbis
Monuments celtiques, J. Cambry : planche IIbis
Pour agrandir, cliquez sur les photos


Ce passage d'Héricart de Thury a amené Eugène Chaper à demander aux touristes du Dauphiné de partir à la recherche des différents monuments décrits. Il fit paraître un appel dans l'Impartial dauphinois, en juin 1876, dont il a été fait un tiré à part :
A propos de quelques monuments celtiques du Dauphiné. Requête adressée à MM. les touristes et membres du Club Alpin.
Grenoble, Typographie et lithographie Maisonville et fils, 1876, in-8° (223 x 142 mm), 25 pp.
Dans cette courte plaquette, il rapporte les descriptions de l'ingénieur afin de guider les touristes et alpinistes qui explorent les massifs du Dauphiné vers les différents monuments décrits. Il fait alors appel à eux afin qu'ils les identifient et en fassent un relevé et une description plus précises. Pour la majorité des monuments, il n'a pas d'autres informations que celle de ce livre. Il n'oublie pas de rappeler que certains « sceptiques prétendent qu'Hericart de Thury a inventé ». C'est pour cela qu'il veut en avoir le cœur net. Les monuments découverts pourront figurer dans un dictionnaire des monuments celtiques, en cours d'élaboration sous l'égide de la commission de la topographie de la Gaule. Nous ne connaissons pas le résultat et la suite donnée à cet appel.

Eugène Chaper s'était déjà intéressé à un monument celtique dans une plaquette parue en 1865 :
Notes sur les restes d'un tombeau celtique situé près de Tallard (Hautes-Alpes).
Grenoble, Imprimerie de Prudhomme, 1865, in-4° (292 x 194 mm), 13 pp.


Un extrait de cet ouvrage a été repris dans :
Le Monument de Carnac et les deux pierres colossales de Locmariaquer. Département du Morbihan, par M. le baron de M... L.... [baron de Montlezun] Extrait d'un ouvrage de M. de Cambry sur le monument de Carnac
Paris, Duprat, 1845, in-8°, 46 p. (BNF : 8- LJ9- 130 )

Note manuscrite au recto du faux titre :
« Cet ouvrage auquel Eloi Johanneau a eu beaucoup de part, est devenu peu commun ». « 12 à 15 francs » (Brunet, Manuel du Libraire, Tome 1er, page 1510, Edition de 1860). »
L'ouvrage a été imprimé par Crapelet à Paris.

Commentaire personnel

Ce texte rare se niche là où on ne l'attend pas. C'est un plaisir de bibliophile de dénicher une telle perle, qui nous conduit dans des régions qui étaient encore mal connues du Dauphiné. Nous sommes en 1805 et ce sont encore des régions à découvrir et à décrire !

Références  (Voir : Liste des sources et références)

Notices biographiques de Jacques Cambry et Eloi Johanneau.
Notice biographique d'Héricart de Thury.

BNF : 8-LA2-62

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à m'écrire : bibliotheque.dauphinoise@noos.fr

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