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Procès-verbal
des derniers Etats Généraux tenus aux Enfers,
Où se trouvent les Plaidoyers de
l'Evêque de Grenoble & de Judas.
Dédié au Clergé & à
la Noblesse de France, par l'Archevêque d'Embrun.
suivi de :
Supplément au Procès-verbal des derniers
Etats-Généraux tenus aux Enfers.
ou suite de la Correspondance de
l'Abbé Giguard, Secrétaire de
l'Evêché de Grenoble, avec feu SUICIDE HAY DE
BONTEVILLE, jadis Evêque de Grenoble, aujourd'hui Cardinal
aux Enfers, de la création de Léon X; laquelle
avait été perdue entre Gavet & Livet, par
le Courier des Enfers, & qui a été
trouvée par le Frère Tiburce, Quêteur
des Capucins, qui l'a fait imprimer à ses frais, &
l'a dédiée à Pie VI, Pape
régnant.
Description de l'exemplaire (Voir : Notes sur la description des ouvrages)
Notes sur l'exemplaire
Demi veau brun, dos à nerfs
richement orné de motifs dorés, pièce
de titre en maroquin vert, tranche supérieure
dorée.
Exemplaire de la bibliothèque d'Emmanuel Martin, avec son
ex-libris (voir ex-libris
dauphinois).
Notes sur l'ouvrage
Le premier ouvrage est le
récit de l'arrivée aux Enfers de M. Hay de
Bonteville, évêque de Grenoble, après
son suicide le 6 octobre 1788. L'évêque
décédé ayant demandé
à
remplacer Judas au poste de "principal" ministre, Lucifer convoque les
Etats-Généraux, devant lesquels il est
amené à faire valoir ses "mérites" sur
terre qui justifieraient ce remplacement. C'est l'occasion de faire
décrire par l'intéressé
lui-même toutes les turpitudes dont il s'est rendu coupable
comme évêque de Grenoble. On y retrouve son
absence du diocèse, pour mener la vie de cour à
Paris, ses accointances avec Brienne, son suicide, etc. Au reproche
d'avoir abandonné son "œuvre" sur terre, il
répond qu'il reste dignement représenté
par l'archevêque d'Embrun (Monseigneur de Leyssin, qu'il ne
nomme pas). Il reproduit une lettre factice de son
secrétaire, Guigard, qui décrit les hauts faits
de l'archevêque d'Embrun "pour renverser l'édifice
élevé à la liberté par la
sagesse et la justice." (p. 59). Malgré ce vibrant
plaidoyer, sa demande n'est pas acceptée et, en
compensation, il est nommé cardinal en Enfers par le pape
Léon X qui s'y trouve. Cet opuscule est l'occasion d'une
charge violente contre le haut-clergé et la noblesse, mais
il n'est pas anticlérical. Occasionnellement, il se fait le
défenseur du clergé et des religieux. On y trouve
de nombreuses allusions aux affaires du temps, toujours dans un sens
favorable au cours de la Révolution à ce
moment-là. Par exemple, la description de la
convocation et de l'établissement des
Etats-généraux permettent à l'auteur
de défendre le vote par tête. On y retrouve aussi
une attaque en règle contre les lettres de cachet.
Le deuxième ouvrages n'est qu'une suite du
précédent qui se présente sous forme
de lettres écrites par l'ancien secrétaire de Hay
de Bonteville, l'abbé Guigard, chanoine de
l'église collégiale de Saint-André,
à Grenoble, ancien curé de Saint-Joseph. C'est
une description des affaires du temps en Dauphiné, avec de nouveau une
charge particulière contre Monseigneur de Leyssin,
archevêque d'Embrun.
E. Maignien attribue les deux ouvrages à l'abbé Jean-Baptiste
Hélie.
On ne trouve pas cette attribution dans Barbier, ni dans
Rochas, qui ignore ces ouvrages dans la notice consacrée
à l'abbé Hélie.
Auguste Prudhomme, dans son Histoire
de Grenoble, apporte de nombreux renseignements
sur
l'évêque Hay de Bonteville :
Marie-Anne-Hippolyte Hay de Bonteville a été
nommé évêque de Grenoble en 1779,
à la place de Jean de Cairol de Madaillan,
démissionnaire. Il avait auparavant
été
évêque de Saint-Flour. "Presque constamment
à la Cour ou dans sa maison de campagne de
Fougères, ce prélat s'occupa peu des affaires du
diocèse, et ne se décida même
à y venir que sur les pressantes admonestations du
Parlement, qui dut le rappeler à une plus exacte observance
de l'ordonnance de Blois et de l'édit de 1695 sur la
résidence des évêques. En 1785, il eut
pour un motif futile, une querelle assez vive avec les consuls de
Grenoble" (pp. 541-542).
Plus loin, dans les chapitres consacrés au début
de le Révolution, Auguste Prudhomme relate le suicide de
l'évêque Hay de Bonteville (pp. 593-594) :
"C'est durant les délibérations de cette
Assemblée [Assemblée de Vizille], auxquelles il
prit une part active, que l'Evêque de Grenoble, Hay de
Bonteville, dans un accès de désespoir encore
inexpliqué, se brûla la cervelle dans son
château des Herbeys, près Grenoble, le 6 octobre
1788. S'il faut en croire une relation contemporaine, le
prélat aurait entretenu longtemps une correspondance
secrète avec M. de Brienne, qu'il tenait exactement
informé des projets des patriotes grenoblois, "afin qu'il
pût diriger sa marche avec plus de
sûreté". Après la chute de Brienne, il
changea de partie et devint patriote. C'est alors qu'il
prononça dans l'Assemblée de Romans, un discours
libéral en faveur des gentilshommes bretons
arrêtés par ordre du roi, discours dans lequel il
blâmait vivement la politique du
précédent cabinet. La nouvelle de ce brusque
revirement arriva aux oreilles du comte de Brienne, ministre de la
guerre, qui possédait toute la correspondance de son
frère. Indigné de ces palinodies, il
écrivit à Hay de Bonteville pour lui annoncer
qu'il allait publier ses lettres. D'autre part, au nombre des bretons
mis à la Bastille, se trouvait un des frères de
l'évêque de Grenoble, lequel, dès qu'il
fut instruit de sa conduite, lui fit savoir qui lui brûlerait
la cervelle quand il serait remis en liberté. "Ces menaces
l'épouvantèrent tellement qu'il prit des vapeurs
et se croyait à tout instant assailli par le peuple ou par
des troupes. Il se fit conduire au château des Herbeys,
à une lieu de Grenoble; après diverses
scènes extravagantes, il se leva un jour de grand matin, se
promena dans son parc jusqu'à huit heures, puis rentra dans
sa chambre, se ferma dedans, chargea son fusil à trois
balles, se mit le canon dans la bouche, et ensuite poussa le catillon
avec une baguette. Le coup partit et lui emporta tout le
crâne et une partie de la joue gauche"."
En note, il précise : "La mémoire de ce
prélat fut déchirée sans
pitié dans une foule de libelles, dont voici les plus rares
et les plus curieux". Il référence les deux
ouvrages de cet exemplaire, avec une pagination différente,
de respectivement 61 et 58 pages, et le pamphlet : Les manes de M. de Bon**,
évêque de Gr. à M. de B*** ,
archevêque de S*** , des Champs-Elysées ce 17*,
S.l.n.n.n.d. (1789), in-8°.
Sur le premier ouvrage, Procès-verbal
des Etats généraux…, il
reproduit la lettre suivante adressée, le 17 avril 1789, par
le procureur général du Parlement de Grenoble
à M. Rey, lieutenant général de police
à Lyon.
"Il est arrivé ici, Monsieur, par la messagerie, mardi
dernier, un ballot contenant 150 exemplaires d'un libelle
imprimé, intitulé : Procès-verbaux des
derniers Etats généraux tenus aux enfers,
avec cette épigraphe : "In inferno, veritas et justitia",
contenant 90 pages. Cet envoi a été fait de Lyon,
le 12 de ce mois, à l'adresse du sieur Falcon, libraire de
Grenoble, signé Thénard ou Dénard. La
lettre de voiture est intitulée : "Coches du Rhône
contenant livres venant de Paris par diligence, envoie de M. Dumoulin,
et un remboursement de 9 livres 7 sous pour
déboursés. Cet envoi avait
été annoncé à un citoyen de
cette ville par une lettre anonyme, avec promesse qu'il y aurait un
exemplaire pour lui, qu'il a retiré. Ce libelle est
abominable et il serait bien à désirer qu'on
pût avoir des preuves contre l'auteur de cette infamie, afin
de lui infliger une punition exemplaire". Cette lettre est extraite des
Archives historiques du
Dauphiné, manuscrit de Jules Ollivier
conservé à la BMG.
Sur Falcon libraire, on peut se référer à Maignien (Imprimerie) (pp. CXII-CXIII) : Jean-Charles Falcon (Chapareillan 4 novembre 1753 – Grenoble 16 juin 1830), après son apprentissage à Paris, Lyon et Grenoble, s'établit comme libraire dans cette dernière ville à partir de 1780. "Membre de la Société populaire de Grenoble dès le 28 janvier 1790, il se fit remarquer dans les clubs. On reprochait à Falcon ses inconséquences et ses propos peu réfléchis en beaucoup d'occasions". Il écrivit par exemple, en 1790 : "Le sieur Falcon, libraire à Grenoble, prévient tous les manufacturiers, marchands, débitants de feuilles aristocratiques ou qui ne sont pas dans le sens de la Révolution, qu'il n'entend rien tirer de leurs magasins, et qu'excédé des envois multiples de leurs échantillons, il ne se bornera plus à les faire brûler devant la porte de son bureau, mais qu'il les leur renverra par la poste". Stendhal le portait en grand estime, probablement parce qu'il menait une vie et professait des idées qui n'étaient pas conformes à l'idéal bourgeois de sa famille (voir Vie de Henry Brulard)
Portrait charge du libraire Falcon, par Colin (BMG) |
Pour agrandir, cliquez sur la photo |
Dans les Documens
historiques
inédits, de la Revue du
Dauphiné (tome I,
1837, pp. 316-319), Jules Ollivier reproduit l'échange de
lettres entre le Parlement de Grenoble et Hay de Bonteville sur sa
présence dans son diocèse : "Sa mort fut
attribuée
au dégoût de la vie qu'avaient
développé
les excès du libertinage auxquels il se livrait, mais plus
vraisemblablement au dépit que lui fit éprouver
la
défaveur avec laquelle avaient été
accueillis
aux états de Dauphiné ses opinions politiques et
son
caractère privé. La mémoire de ce
prélat,
justement flétrie, fut déchirée sans
pitié
dans une foule de libelles, dont voici les plus rares et les plus
curieux". Il référence les deux ouvrages de cet
exemplaire, avec une pagination différente de respectivement
61 et 59 pages et le pamphlet : Les manes de M. de Bon**,
évêque
de Gr. à M. de B*** , archevêque de S*** , des
Champs-Elyséens ce 17*, S.l.n.n.n.d. (1789),
in-8°.
Maignien (Révolution), sous le n° 388,
référence les deux éditions du premier
ouvrage :
- 61 pp. et la sentence In
Inferno Veritas et Justicia au titre.
- 91 pp., un errata et sans cette sentence.
Remarquons que dans notre exemplaire, cette sentence se trouve au faux
titre : "In inferno veritas & justitia".
Pour le deuxième ouvrage, qu'il
référence sous le n° 389, il signale une
autre édition in-8° de 59 pp. Dans le CCFr, on
trouve généralement l'exemplaire de 78 pp. Seule
la BMG possède un exemplaire de 59 pp.
Maignien référence deux autres ouvrages parus
après le décès de
l'évêque Hay de Bonteville, sous les n°
390 et 391
- Les manes de M. de
Bon** [de Bonteville], évêque de Gr. [Grenoble]
à M. de B*** [Brienne], archevêque de S*** [Sens],
des Champs-Elysées ce 17*, S.l.n.n.n.d. (1789),
in-8°, 8 pp.
- Procès-verbal
des Etats Généraux tenus aux Enfers à
l'arrivée de Lamoignon, garde des sceaux de France,
S.l.n.n.n.d., in-8°, 31 pp. : "Pamphlet satyrique dans lequel
l'évêque de Grenoble Hay de Bonteville, jour le
rôle principal".
Références (Voir : Liste des sources et références)
Histoire
de Grenoble, d'A. Prudhomme :
pp. 541-542.
Absents de Perrin.
1er ouvrage :
Maignien (Revolution) : 388
BNF : LB39-1239 et LB39-1239 (A) pour l'édition
in-8° de 58 pp.
2ème ouvrage :
Maignien (Revolution) : 389
BNF : LB39-1240