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Procès-verbal des derniers Etats Généraux tenus aux Enfers,
Où se trouvent les Plaidoyers de l'Evêque de Grenoble & de Judas.
Dédié au Clergé & à la Noblesse de France, par l'Archevêque d'Embrun.

suivi de :
Supplément au Procès-verbal des derniers Etats-Généraux tenus aux Enfers.
ou suite de la Correspondance de l'Abbé Giguard, Secrétaire de l'Evêché de Grenoble, avec feu SUICIDE HAY DE BONTEVILLE, jadis Evêque de Grenoble, aujourd'hui Cardinal aux Enfers, de la création de Léon X; laquelle avait été perdue entre Gavet & Livet, par le Courier des Enfers, & qui a été trouvée par le Frère Tiburce, Quêteur des Capucins, qui l'a fait imprimer à ses frais, & l'a dédiée à Pie VI, Pape régnant.

Description de l'exemplaire  (Voir : Notes sur la description des ouvrages)

Réunion de deux ouvrages :
1er ouvrage : S.l., De l'Imprimerie royale des Enfers, 1789
In-8° (206r x 130 mm), [2]-91 pp.
2e ouvrage : A. Francopolis, s.n., 1789
In-8° (206r x 130 mm), [2]-78 pp.
Etats Généraux tenus aux Enfers : titre Etats Généraux tenus aux Enfers : titre du supplément Etats Généraux tenus aux Enfers : reliure
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Notes sur l'exemplaire

Demi veau brun, dos à nerfs richement orné de motifs dorés, pièce de titre en maroquin vert, tranche supérieure dorée.
Exemplaire de la bibliothèque d'Emmanuel Martin, avec son ex-libris  (voir ex-libris dauphinois).

Notes sur l'ouvrage

Le premier ouvrage est le récit de l'arrivée aux Enfers de M. Hay de Bonteville, évêque de Grenoble, après son suicide le 6 octobre 1788. L'évêque décédé ayant demandé à remplacer Judas au poste de "principal" ministre, Lucifer convoque les Etats-Généraux, devant lesquels il est amené à faire valoir ses "mérites" sur terre qui justifieraient ce remplacement. C'est l'occasion de faire décrire par l'intéressé lui-même toutes les turpitudes dont il s'est rendu coupable comme évêque de Grenoble. On y retrouve son absence du diocèse, pour mener la vie de cour à Paris, ses accointances avec Brienne, son suicide, etc. Au reproche d'avoir abandonné son "œuvre" sur terre, il répond qu'il reste dignement représenté par l'archevêque d'Embrun (Monseigneur de Leyssin, qu'il ne nomme pas). Il reproduit une lettre factice de son secrétaire, Guigard, qui décrit les hauts faits de l'archevêque d'Embrun "pour renverser l'édifice élevé à la liberté par la sagesse et la justice." (p. 59). Malgré ce vibrant plaidoyer, sa demande n'est pas acceptée et, en compensation, il est nommé cardinal en Enfers par le pape Léon X qui s'y trouve. Cet opuscule est l'occasion d'une charge violente contre le haut-clergé et la noblesse, mais il n'est pas anticlérical. Occasionnellement, il se fait le défenseur du clergé et des religieux. On y trouve de nombreuses allusions aux affaires du temps, toujours dans un sens favorable au cours de la Révolution à ce moment-là.  Par exemple, la description de la convocation et de l'établissement des Etats-généraux permettent à l'auteur de défendre le vote par tête. On y retrouve aussi une attaque en règle contre les lettres de cachet.

Le deuxième ouvrages n'est qu'une suite du précédent qui se présente sous forme de lettres écrites par l'ancien secrétaire de Hay de Bonteville, l'abbé Guigard, chanoine de l'église collégiale de Saint-André, à Grenoble, ancien curé de Saint-Joseph. C'est une description des affaires du temps en Dauphiné, avec de nouveau une charge particulière contre Monseigneur de Leyssin, archevêque d'Embrun.

E. Maignien attribue les deux ouvrages à l'abbé Jean-Baptiste Hélie. On ne trouve pas cette attribution dans Barbier, ni dans Rochas, qui ignore ces ouvrages dans la notice consacrée à l'abbé Hélie.

Auguste Prudhomme, dans son Histoire de Grenoble, apporte de nombreux renseignements sur l'évêque Hay de Bonteville :
Marie-Anne-Hippolyte Hay de Bonteville a été nommé évêque de Grenoble en 1779, à la place de Jean de Cairol de Madaillan, démissionnaire. Il avait auparavant été évêque de Saint-Flour. "Presque constamment à la Cour ou dans sa maison de campagne de Fougères, ce prélat s'occupa peu des affaires du diocèse, et ne se décida même à y venir que sur les pressantes admonestations du Parlement, qui dut le rappeler à une plus exacte observance de l'ordonnance de Blois et de l'édit de 1695 sur la résidence des évêques. En 1785, il eut pour un motif futile, une querelle assez vive avec les consuls de Grenoble" (pp. 541-542).

Plus loin, dans les chapitres consacrés au début de le Révolution, Auguste Prudhomme relate le suicide de l'évêque Hay de Bonteville (pp. 593-594) :
"C'est durant les délibérations de cette Assemblée [Assemblée de Vizille], auxquelles il prit une part active, que l'Evêque de Grenoble, Hay de Bonteville, dans un accès de désespoir encore inexpliqué, se brûla la cervelle dans son château des Herbeys, près Grenoble, le 6 octobre 1788. S'il faut en croire une relation contemporaine, le prélat aurait entretenu longtemps une correspondance secrète avec M. de Brienne, qu'il tenait exactement informé des projets des patriotes grenoblois, "afin qu'il pût diriger sa marche avec plus de sûreté". Après la chute de Brienne, il changea de partie et devint patriote. C'est alors qu'il prononça dans l'Assemblée de Romans, un discours libéral en faveur des gentilshommes bretons arrêtés par ordre du roi, discours dans lequel il blâmait vivement la politique du précédent cabinet. La nouvelle de ce brusque revirement arriva aux oreilles du comte de Brienne, ministre de la guerre, qui possédait toute la correspondance de son frère. Indigné de ces palinodies, il écrivit à Hay de Bonteville pour lui annoncer qu'il allait publier ses lettres. D'autre part, au nombre des bretons mis à la Bastille, se trouvait un des frères de l'évêque de Grenoble, lequel, dès qu'il fut instruit de sa conduite, lui fit savoir qui lui brûlerait la cervelle quand il serait remis en liberté. "Ces menaces l'épouvantèrent tellement qu'il prit des vapeurs et se croyait à tout instant assailli par le peuple ou par des troupes. Il se fit conduire au château des Herbeys, à une lieu de Grenoble; après diverses scènes extravagantes, il se leva un jour de grand matin, se promena dans son parc jusqu'à huit heures, puis rentra dans sa chambre, se ferma dedans, chargea son fusil à trois balles, se mit le canon dans la bouche, et ensuite poussa le catillon avec une baguette. Le coup partit et lui emporta tout le crâne et une partie de la joue gauche"."

En note, il précise : "La mémoire de ce prélat fut déchirée sans pitié dans une foule de libelles, dont voici les plus rares et les plus curieux". Il référence les deux ouvrages de cet exemplaire, avec une pagination différente, de respectivement 61 et 58 pages, et le pamphlet : Les manes de M. de Bon**, évêque de Gr. à M. de B*** , archevêque de S*** , des Champs-Elysées ce 17*, S.l.n.n.n.d. (1789), in-8°.

Sur le premier ouvrage, Procès-verbal des Etats généraux…, il reproduit la lettre suivante adressée, le 17 avril 1789, par le procureur général du Parlement de Grenoble à M. Rey, lieutenant général de police à Lyon.
"Il est arrivé ici, Monsieur, par la messagerie, mardi dernier, un ballot contenant 150 exemplaires d'un libelle imprimé, intitulé : Procès-verbaux des derniers Etats généraux tenus aux enfers, avec cette épigraphe : "In inferno, veritas et justitia", contenant 90 pages. Cet envoi a été fait de Lyon, le 12 de ce mois, à l'adresse du sieur Falcon, libraire de Grenoble, signé Thénard ou Dénard. La lettre de voiture est intitulée : "Coches du Rhône contenant livres venant de Paris par diligence, envoie de M. Dumoulin, et un remboursement de 9 livres 7 sous pour déboursés. Cet envoi avait été annoncé à un citoyen de cette ville par une lettre anonyme, avec promesse qu'il y aurait un exemplaire pour lui, qu'il a retiré. Ce libelle est abominable et il serait bien à désirer qu'on pût avoir des preuves contre l'auteur de cette infamie, afin de lui infliger une punition exemplaire". Cette lettre est extraite des Archives historiques du Dauphiné, manuscrit de Jules Ollivier conservé à la BMG.

Sur Falcon libraire, on peut se référer à Maignien (Imprimerie) (pp. CXII-CXIII) : Jean-Charles Falcon (Chapareillan 4 novembre 1753 – Grenoble 16 juin 1830), après son apprentissage à Paris, Lyon et Grenoble, s'établit comme libraire dans cette dernière ville à partir de 1780. "Membre de la Société populaire de Grenoble dès le 28 janvier 1790, il se fit remarquer dans les clubs. On reprochait à Falcon ses inconséquences et ses propos peu réfléchis en beaucoup d'occasions". Il écrivit par exemple, en 1790 : "Le sieur Falcon, libraire à Grenoble, prévient tous les manufacturiers, marchands, débitants de feuilles aristocratiques ou qui ne sont pas dans le sens de la Révolution, qu'il n'entend rien tirer de leurs magasins, et qu'excédé des envois multiples de leurs échantillons, il ne se bornera plus à les faire brûler devant la porte de son bureau, mais qu'il les leur renverra par la poste". Stendhal le portait en grand estime, probablement parce qu'il menait une vie et professait des idées qui n'étaient pas conformes à l'idéal bourgeois de sa famille (voir Vie de Henry Brulard)

Portrait charge du libraire Falcon, par Colin (BMG)
Jean-Charles Falcon
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Dans les Documens historiques inédits, de la Revue du Dauphiné (tome I, 1837, pp. 316-319), Jules Ollivier reproduit l'échange de lettres entre le Parlement de Grenoble et Hay de Bonteville sur sa présence dans son diocèse : "Sa mort fut attribuée au dégoût de la vie qu'avaient développé les excès du libertinage auxquels il se livrait, mais plus vraisemblablement au dépit que lui fit éprouver la défaveur avec laquelle avaient été accueillis aux états de Dauphiné ses opinions politiques et son caractère privé. La mémoire de ce prélat, justement flétrie, fut déchirée sans pitié dans une foule de libelles, dont voici les plus rares et les plus curieux". Il référence les deux ouvrages de cet exemplaire, avec une pagination différente de respectivement 61 et 59 pages et le pamphlet : Les manes de M. de Bon**, évêque de Gr. à M. de B*** , archevêque de S*** , des Champs-Elyséens ce 17*, S.l.n.n.n.d. (1789), in-8°.


Maignien (Révolution), sous le n° 388, référence les deux éditions du premier ouvrage :
- 61 pp. et la sentence In Inferno Veritas et Justicia au titre.
- 91 pp., un errata et sans cette sentence.
Remarquons que dans notre exemplaire, cette sentence se trouve au faux titre : "In inferno veritas & justitia".

Pour le deuxième ouvrage, qu'il référence sous le n° 389, il signale une autre édition in-8° de 59 pp. Dans le CCFr, on trouve généralement l'exemplaire de 78 pp. Seule la BMG possède un exemplaire de 59 pp.

Maignien référence deux autres ouvrages parus après le décès de l'évêque Hay de Bonteville, sous les n° 390 et 391
- Les manes de M. de Bon** [de Bonteville], évêque de Gr. [Grenoble] à M. de B*** [Brienne], archevêque de S*** [Sens], des Champs-Elysées ce 17*, S.l.n.n.n.d. (1789), in-8°, 8 pp.
- Procès-verbal des Etats Généraux tenus aux Enfers à l'arrivée de Lamoignon, garde des sceaux de France, S.l.n.n.n.d., in-8°, 31 pp. : "Pamphlet satyrique dans lequel l'évêque de Grenoble Hay de Bonteville, jour le rôle principal".

Références  (Voir : Liste des sources et références)

Histoire de Grenoble, d'A. Prudhomme : pp. 541-542.
Absents de Perrin.
1er ouvrage :
Maignien (Revolution) : 388
BNF : LB39-1239 et LB39-1239 (A) pour l'édition in-8° de 58 pp.
2ème ouvrage :
Maignien (Revolution) : 389
BNF : LB39-1240