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Saincte
vie et glorieulx trespassement de Jehan Esmé, sire de
Mollines, chevalier très chrestien, 1307-1359
Manuscrit de la deuxième
moitié du
quatorzième siècle faisant partie des archives de
la
maison Emé de Marcieu au château du Touvet en
Graisivaudan, Dauphiné.
Description de l'exemplaire (Voir : Notes sur la description des ouvrages)
Grenoble,
Allier frères, Imprimeurs, 1908 In-8° (246r x 160 mm), 44 pp. Une planche armoriée en couleurs hors texte. |
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Notes sur l'exemplaire
Demi percaline bleue à
coins, titre
doré sur le premier plat, tête dorée
(reliure
d'éditeur), couvertures conservées.
Ex-libris du comte Albéric de Marcieu au premier contreplat
(voir ex-libris).
Envoi du comte Albéric de Marcieu à Edmond
Maignien sur une page de garde : « Offert
à Mr Edmond Maignien, conservateur de
la Bibliothèque de
Grenoble. Grenoble ce 28 (ou 23?) juillet 1908. Cte
A. de Marcieu »
Notes sur l'ouvrage
Nouvelle publication par le comte Albéric de Marcieu d'un manuscrit du XIVe siècle sur la « glorieuse vie » de son ancêtre Jehan Esmé, sire de Molines. Comme on le verra ci-dessous, ce texte est considéré comme un faux, probablement ancien, destiné à rendre encore plus prestigieuse l'origine et l'extraction de la famille Emé de Marcieu.
Selon ce récit, Jehan Esmé est né en 1307 à Molines-en-Queyras. Sa famille est originaire de Venise, en la personne d'un certain Anterpian, qui y vivait au XIIesiècle. Jeune encore, il participa à la bataille de Cassel, en 1328, auprès du dauphin Guigues II. Proche du dauphin Humbert II, il l'accompagna en 1345 dans la croisade en Terre sainte où il se distingua par sa bravoure. Il rejoignit même Jérusalem. Il mourut à Molines le 5 janvier 1359. C'est ce qui est conté dans ce texte, avec de nombreuse et parfois longues considérations sur ses hauts faits, ses actes de bravoure et sa haute valeur morale. Ce sont ces mêmes faits qui sont mis en doute par les érudits modernes, comme on le verra plus bas. En revanche, il est généralement admis que la famille Esmé est effectivement originaire de Molines, où ils étaient notaires et que les premières personnes notables sont Oronce Esmé ou Emé, vibailli et juge-mage du Briançonnais, en 1479 et Guillaume Emé, son fils, vibailli d'Embrun en 1503. Une des branches, après s'être installée en Graisivaudan, prendra le nom d'Emé de Marcieu et le titre de marquis, d'une terre qu'ils possédaient.
Discussions sur l'authenticité du texte
Dès la première
édition, de
nombreux érudits ont mis en doute, voire nié
l'authenticité du texte.
Le premier est Léopold
Delisle, dans la Bibliothèque
de l'École des Chartes, tome 50, 1889, dans la
rubrique Chronique et
mélanges (pp. 503-505) :
« Dans le Bulletin
d'histoire ecclésiastique et d'archéologie
religieuse des
diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers
(neuvième année, 60e
livraison, supplémentaire, p. 56-94), nous avons
remarqué
un document intitulé « Saincte vie et glorieulx
trespassement de Jehan Esmé, sire de Molines. » La
direction du Bulletin
en a dû la communication à M. le
comte Humbert de Marcieu. Cette relation, écrite en
français, nous fait connaître avec beaucoup de
détails la famille, les vertus et les hauts faits d'un
chevalier
dauphinois, Jean Esmé, né en 1307, qui combattit
dans les
rangs de l'armée française, en 1328, à
la
journée de Cassel, déploya beaucoup de courage
dans un
pèlerinage en terre sainte, et mourut la veille de
l'Épiphanie 1359. Le biographe déclare, au
commencement
du récit, qu'il avait eu pour parrain le personnage dont il
entreprend d'écrire la vie [...]
La relation se présente donc à nous comme un
écrit du milieu ou de la seconde moitié du XIVe
siècle. La préoccupation d'exalter la famille du
héros s'y manifeste à plus d'un endroit, et
notamment au
chapitre VI, que nous allons transcrire :
[...]
On conserve dans les archives du château du Touvet un petit
volume de vingt-neuf feuillets de parchemin, paraissant dater de la
seconde moitié du XIVe
siècle, qui contient la Vie de
Jean Esmé. A ce manuscrit est jointe une copie du document,
écrite de la main de M. de Stadler, qui l'a fait suivre
d'une
attestation ainsi conçue :
« Nous soussignés,
archivistes-paléographes,
anciens élèves de l'École royale des
chartes,
certifions, en vertu du diplôme qui nous a
été
conféré par M. le ministre secrétaire
d’État au Département de l'instruction
publique, la
présente copie, par nous transcrite et
collationnée,
conforme à l'original sur parchemin appartenant à
Monsieur le marquis de Marcieu.
Paris, le 2 juillet 1846.
A. TEULET. E.-A. DE STADLER.
Vu par nous, maire du neuvième arrondissement de Paris, pour
légalisation de la signature de M. Teulet apposée
ci-dessus.
Paris, le 3 juillet 1846. »
Signature illisible. -Timbre de la mairie du neuvième
arrondissement.
L'éditeur de la Vie de Jean Esmé,
après avoir reproduit ce certificat, ajoute :
« Nous tenons l'original de cette attestation et une
photographie
de l'original lui-même à la disposition des
hypercritiques
(s'il s'en trouve) qui éprouveraient des scrupules sur
l'authenticité (qu'il ne faut pas confondre avec la
véracité) de ce document. Nous demanderions
seulement
quelle portée peuvent avoir ces doutes après la
déclaration formelle de professeurs
émérites de
l'École des chartes, comme MM. Teulet et de Stadler.
»
Nous ne sommes pas en mesure de discuter l'authenticité de
la
Vie de Jean Esmé ; mais nous craignons fort que ce
document
ne puisse pas résister à l'examen d'experts
versés
dans l'histoire du Dauphiné, dans celle de l'Orient latin et
dans la connaissance du français du XIVe
siècle. Nous désirons seulement
présenter deux
observations, qui ne touchent pas d'ailleurs au fond de la question.
La première, c'est que nos regrettés
confrères MM.
A. Teulet et Eug. de Stadler n'ont jamais été
professeurs
à l'École des chartes.
La seconde, c'est que MM. Teulet et de Stadler ont simplement
déclaré que la copie faite par l'un d'eux
était
conforme à un original appartenant à M. le
marquis de
Marcieu. Ils ne se sont point prononcés et n'avaient point
à se prononcer sur le degré de confiance qu'il
convenait
d'accorder à cet original. La question est restée
entière, et les critiques qui voudront la traiter n'ont
point
à se préoccuper de la déclaration de
MM. Teulet et
de Stadler. Cette déclaration vise uniquement la
fidélité de la copie, nullement
l'authenticité de
l'original, vrai ou faux, qu'on leur avait donné
à
transcrire. »
Cette chronique de L. Delisle a fait l'objet d'une réponse d'Humbert de Marcieu dans le Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers, tome 10, 1890, pp. 46-47 : « Pour l'honneur de MM Teulet et de Stadler, je me refuserai toujours à croire qu'ils eussent délibérément consenti à transcrire et collationner une pièce reconnue fausse par eux. Dans le cas où la falsification arriverait à être démontrée, la seule solution légitime serait de reconnaître qu'ils ont erré et que leur science diplomatique a été courte par cet endroit. »
Joseph Roman, érudit
haut-alpin, a aussi apporté son point de vue :
La saincte vie et
glorieux
trespassement de Jehan Esmé, sire de Molines, chronique de
la
deuxième moitié du XIVe
siècle, est-elle un document authentique ?
Voiron, Baratier, 1890, in-8°, 16 pp, 2 vignettes, extrait de la Petite revue dauphinoise, 5ème
année, pp.17-30.
La réponse est dans la question. Il conclut (p. 30) : « En résumé, la Saincte vie et glorieux trespassement de Jehan Esmé, sire de Molines,
nous apprend beaucoup trop de choses dont on ne trouve pas la
moindre trace ailleurs pour ne pas nous être suspecte; elle est
rédigée en français et censée dater
d'une époque où le français était
très peu répandu en Dauphiné,
c'est-à-dire au XIVe siècle; elle enrgistre
une donation immobilière faite par l'empereur, tandis que
l'empereur ne fit jamais de pareilles donations dans notre
province; elle énumère toute une
généalogie de seigneurs de Molines et d'Aiguilles, tandis
que le Dauphin, tout le démontre, ne partagea ces fiefs
avec aucun seigneur inférieur; elle nous fait connaître
plusieurs chevaliers de la famille Emé pendant 200 ans dont
aucun acte, aucune charte ne font mention; elle donne à cette
famille des armoiries qu'elle ne prit pas avant la deuxième
moitié du XVIe siècle; les femmes et les
personnages incidents paraissant dans ce récit sont
généralement de pure fantaisie et n'ont pas
existé. A mon avis, la chronique de Jean Emé n'est pas
autre chose qu'un roman de chevalerie sans valeur historique et
composé à une époque relativement récente
à l'imitation des romans du moyen-âge. »
Ce manuscrit a été exploité pour la première fois dans le Bulletin de la Société de statistique, des sciences naturelles et des arts industriels du département de l'Isère, 1856, pp. 353-369, dans une notice historique par l'abbé Galloix. Il n'aborde pas la question de l'authenticité : « L'authenticité de ce manuscrit est évidente; elle a frappé nos paléographes les plus habiles. ». Cette notice est une résumé du texte, avec quelques éclaircissements historiques, mais sans discussion critique sur les faits avancés.
Dans sa Biographie du Dauphiné,
caustique
comme à son habitude, A. Rochas étrille le
texte (II, p.
120) : « Mais nous craignons bien que ce
soit
plutôt une sorte de roman de chevalerie qu'une histoire
sérieuse; il est très extraordinaire, en effet,
qu'un
puissant seigneur tel que Jehan Esmé, qui fut l'un des plus
intimes conseillers de Humbert II, dont le nom était si
connu
dans la chrétienté, que la ville de Venise lui
fit cadeau
d'une galère tout équipée, qui s'en
allait visiter
les lieux saints avec une suite d'écuyers, de varlets et de
ménestrels; il est très extraordinaire,
disons-nous,
qu'un aussi grand seigneur n'ait pas laissé la moindre trace
dans l'histoire de Humbert II. Valbonnays, qui a minutieusement
enregistré les moindres actions de ce prince, n'en dit pas
un
mot, et nous n'avons même pas trouvé son nom une
seule
fois dans les actes nombreux qu'il rapporte. Nous avons lu
également, sans plus de succès, le volume de
l'inventaire
des archives de la Chambre des comptes, contenant l'indication des
titres du Queyras, où étaient situées
les terres
d'Aiguilles et de Molines. »
Même G. Rivoire de la
Bâtie, pourtant très prudent et circonspect
lorsqu'il s'agit de discuter les origines des familles
nobles, donne sans ambiguïté son avis dans
l'Armorial de
Dauphiné, à la notice
consacrée à la famille Emé de Marcieu
(p. 202) :
« Faute de documents précis, nous
n'entreprendrons
point ici de décider la question de savoir si cette maison
descend bien réellement d'un Anterpian Emé,
originaire de
Venise, à qui l'empereur Henri V aurait
inféodé,
vers 1111, les terres de Molines & d'Aiguilles, dans le
Queyras, en
récompense des notables services à lui rendus par
cet
Anterpian Emé, sire de Molines, dont serait descendu Jean
Emé, chevalier, qui aurait accompagné le Dauphin
Humbert
II à la croisade, en 1346. Les faits & gestes de ces
preux
font le sujet d'une notice de M. l'abbé Galloix,
insérée dans le Bulletin de la
Société de
statistique de l'Isère.
II cite, à l'appui de ces assertions, un mss. de 1360, dont
l'authenticité est plus que douteuse. »
De fait, personne n'a défendu l'authenticité du document et du récit, même partiellement. Il est donc étonnant que ce texte ait fait l'objet d'une deuxième édition.
Pour être complet, la
première mention du manuscrit a été
faite par A. Pilot dans sa Statistique
générale du département de
l'Isère, 1846, vol. III, p. 577.
Histoire de la publication
Ce texte a d'abord
été publié
par Humbert Emé de Marcieu (1858-1947), avocat à
la cour
d'appel de Paris, dans le Bulletin
d'histoire ecclésiastique et d'archéologie
religieuse
des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers,
tome 9, 1888-1889,
pp.57-94. Il en a été fait un tiré
à part :
Saincte vie et glorieux
trespassement de Jehan Esmé, sire de Molines, 1307-1359, Valence,
imp. Jules Céas et fils, 1889, in-8°, 38 pp.
Son cousin-germain, le
comte Albéric de Marcieu (Paris 1863 - Grenoble 1937) donne
une
nouvelle édition, identique quant au
texte, avec trois différences annexes :
- Ajout d'une planche hors texte avec les armoiries en couleurs de la
famille Emé de Marcieu.
- Suppression d'un commentaire (p. 42), à propos de
l'authenticité de la copie.
- Complément de deux pages (pp. 43-44)
contenant la liste des
« Représentants actuels de la maison
Emé de
Marcieu », avec la reproduction des deux ex-libris
du comte Albéric de
Marcieu.
Justification : « Tiré à trois cents exemplaires numérotés par Allier frères, imprimeurs à Grenoble, cours de St-André, 26 pour le comte Albéric de Marcieu ». Cet exemplaire est le n° 3. L'achevé d'imprimer est du 30 mai 1908.
Le comte Albéric de Marcieu a revêtu cet exemplaire de son ex-libris et l'a offert à Edmond Maignien, le conservateur de la Bibliothèque de Grenoble.
Blason |
Justification |
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Références (Voir : Liste des sources et références)
Synthèse sur la généalogie de la famille Esmé ou Emé dans : Armorial haut-alpin, de Jean Grosdidier de Matons, pp. 290-293.
Il n'y a qu'un seul exemplaire au CCFr de cette édition : BMG : V.8723.