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PAGE THÉMATIQUE : Exploration du Haut-Dauphiné (Oisans/Ecrins) |
J.-H.
Roussillon,
Docteur-Médecin au Bourg d'Oisans,
Membre de la Société de Statistique de
l'Isère.
Guide
du voyageur dans l'Oisans,
tableau topographique, historique et
statistique de cette contrée.
Description de l'exemplaire (Voir : Notes sur la description des ouvrages)
Grenoble,
Imprimerie Maisonville, 1854, in-8° (218r
x 134r mm) VIII-159 pp., une carte dépliante hors-texte et 9 lithographies hors-texte. |
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Notes sur l'exemplaire
Demi chagrin rouge, dos à 5
nerfs, fleurons dorés (reliure moderne).
Couvertures conservées.
Notes sur l'ouvrage
Un des deux premiers ouvrages
destinés
à faire connaître l'Oisans aux Touristes, en leur
faisant
découvrir les richesses naturelles et les paysages de
cette petite région qui est comme une porte
d'entrée au massif des Ecrins.
Contenu de l'ouvrage
Faux titre et titre (pp. I-III)
Texte liminaire, non signé
(pp. V-VIII). Par
un délibération d'août 1847,
renouvelée en
août 1853, le Conseil général de
l'Isère
vota un prix pour la publication d'un Guide descriptif du voyageur
dans le département de l'Isère. En
attendant que paraisse ce Guide,
il a paru nécessaire à l'auteur de "assurer une
place
particulière" à l'Oisans "au soleil de
la
publicité"
en faisant paraître un Guide spécialement dédié à cette région du département. En effet, la
Nature
créa l'Oisans "pour y étaler, comme sur un
théâtre particulier, sa grandeur et sa puissance
par des
productions et des spectacles inouïs, par des merveilles
exceptionnelles, par des richesses incomparables".
Introduction
(pp. 1-30)
Dès le début de cette introduction, le docteur
Roussillon
donne le ton : "Le Dauphiné, qui peut s'appeler la Suisse
française, possède aussi son Oberland" (p. 2). Le
fil
conducteur de l'ouvrage est donné. Il s'agit de
faire
connaître l'Oisans aux touristes, en leur
démontrant
qu'il n'a rien à envier aux beautés tant
vantées de la Suisse et en voulant "le venger d'un
injuste
oubli." Il remarque justement que l'Oisans n'a
été
jusqu'alors connu que pour
ses richesses minéralogiques, botaniques et
géologiques.
Effectivement,
les premiers textes sur la région sont d'abord
consacrés
à ses
richesses naturelles. L'introduction se poursuit ensuite par Topographie et statistiques
générales
(pp. 5-17), longue description du pays, plus littéraire que
précise ou
scientifique. Le sentiment de la haute montagne qui y est
exprimé sera
celui que l'on retrouvera lors des descriptions de la vallée
du
Vénéon
ou de la Haute-Romanche (voir ci-dessous). Une seule phrase extraite de
l'introduction donne le ton : "Les sommités se terminent en
pics
aériens, en pyramides superbes, en crêtes
gigantesques
formés de rocs
arides ou recouverts de glace." (p. 6). Il ne sera malheureusement
jamais plus précis et préfère ensuite
vanter la
richesse de la végétation des étages
inférieurs. Il invite tout de même les touristes
à
visiter le pays, jusqu'à s'approcher des glaciers. Enfin,
trois courts chapitres abordent la Géologie
(pp. 17-20), la Minéralogie
(pp. 20-25), en enfin la Botanique
(pp. 25-30). Toujours lyrique, le docteur Roussillon termine :
"C'est
ainsi que la nature convie toutes les intelligences à venir
admirer
dans l'Oisans une de ses fêtes les plus splendides et les
plus
imposantes, qu'elle excite tous les cœurs à le glorifier
sur ce
théâtre particulier de sa grandeur et de sa
bonté." (p. 30)
Guide
du voyageur dans l'Oisans
(pp. 30-154). C'est le guide proprement dit. L'auteur organise son
ouvrage selon le déroulé d'un voyage depuis
Grenoble
jusqu'au col du Lautaret, parcourant ainsi dans toute sa longueur
l'Oisans, depuis l'entrée à
Séchilienne jusqu'au
passage dans le Briançonnais. Il parcourt aussi les
vallées annexes, qui forment toutes ensemble l'Oisans :
vallées du Vénéon (La
Bérarde), de l'eau
d'Olle, de la Lignare. L'auteur s'intéresse
essentiellement aux
paysages et aux richesses naturelles, avec aussi un regard sur les
monuments et les activités économiques
(agriculture et
industrie).
L'évocation du Bourg
d'Oisans, le chef-lieu
du canton, est
l'occasion de nombreux chapitres sur l'histoire de l'Oisans
(pp.
42-59). Il compile, sans beaucoup de critique historique, les
différentes sources disponibles à
l'époque. Il
consacre de nombreuses pages à une question
récurrente :
la trajet de la voie romaine de Grenoble à
Briançon, par
le col du Lautaret. Cette question souvent débattue a
posé de nombreux problèmes aux historiens et
archéologues car il fallait imaginer comment franchir
l'obstacle
des gorges de la Romanche (L'Infernet), au début de la
montée au col, en conciliant ces différentes
hypothèses avec les quelques restes de la voie antique, dont
la
porte
romaine dite porte de Bons, au Mont-de Lans (voir
la lithographie qui la représente). Ce sujet tenait
visiblement à cœur au Dr
Roussillon puisqu'il lui consacra deux plaquettes :
Étude sur
l'ancienne
voie romaine de l'Oisans, Grenoble, 1865.
Étude
nouvelle et
plus complète de l'ancienne voie romaine de l'Oisans et de
ses annexes, Grenoble, 1878.
L'ouvrage contient aussi un long développement sur les mines de Brandes-en-Oisans, mines d'argent situées au dessus de 1800 m. d'altitude, qui ont donné lieu à l'établissement d'un village lors de leur période d'activité au moyen-âge. (pp. 100-106)
Au gré de son
itinéraire, il évoques quelques uns des aspects
les plus
significatifs du pays, qui formeront toujours la trame des ouvrages
consacrés à l'Oisans, au-delà des buts
qu'ils se proposent et du style
de l'auteur :
- L'émigration temporaire et le colportage : pp. 69-70, pour
les
colporteurs de la vallée du Vénéon et
pp. 12-126
pour ceux de la Grave.
- La transhumance : pp. 84-86.
On y trouve aussi quelques uns des
lieux communs sur
les habitants des montagnes, en particulier dans le chapitre
consacré à la Bérarde, "le Grimsel de
nos
montagnes" ! (pp. 77-79) :
- L'attachement des habitants à leur pays malgré
la dureté de la vie en montagne.
- La simplicité des mœurs : "simples et bons"
Comme on le verra plus loin, le Dr Roussillon a une vision de la montagne qui plonge ses racines dans les auteurs du XVIIIe (on pense évidemment à Rousseau) plus que dans les nouveaux auteurs qui approchent la montagne avec une autre vision que l'on pourrait dire plus scientifique.
En effet, sa vision de la montagne
reste souvent
cantonnée aux vallées et aux premières
pentes. Il
partage avec ses devanciers de la découverte de la montagne
la
fascination pour les glaciers. Dans la partie consacrée
à
la vallée du Vénéon, un chapitre
particuliers
décrit les glaciers accessibles
depuis la
Bérarde sans jamais même faire allusion aux
sommets
majeurs qui les entourent comme la Meije, les Ecrins ou
Ailefroide,
comme si ces sommets n'existaient pas. C'est dans ce chapitre qu'il
présente le passage d'un col (col de la Temple ou de
Bonvoisin)
comme une aventure presque unique, au moment même
où les
premiers touristes anglais arrivaient dans l'Oisans pour explorer non
plus les vallées, mais les sommets et les cols de haute
montagne
de la région. On peut citer par exemple F. Elliot
Blackstone, en 1855, R. C. Nichols, en 1858, T. G. Bonney et
W.
Whymper au début des années 1860 (voir les
récits
qu'ils en ont donné dans Peaks, Passes, and Glaciers).
Le passage en question : "Le sentier qui communique avec cette
dernière
contrée
[la Vallouise] a été suivi par un courageux
touriste
désireux de voir de près le mont Pelvoux,
frère
puîné du mont Blanc, situé à
l'est et
au-delà des chaînes de la Bérarde. Mais
il faut
être doué d'une hardiesse des montagnards pour
oser
s'engager sur ces sentiers aériens suspendus aux roches et
aux
glaces, et où la force et l'adresses ne
préservent pas
toujours du péril" (pp. 81-82). Il conseille d'ailleurs,
pour la
moindre promenade, de faire appel à un guide, même
pour
une excursion au Lac Blanc, dans les Rousses (p. 108). Sa vision de la
montagne nous semble encore empreinte d'un sentiment
déjà
ancien, en passe d'être totalement
dépassé par
cette nouvelle approche de la montagne qu'apporte les premiers
alpinistes avec eux. Même dans son vocabulaire, il reste
marqué par des images directement issues des perceptions
d'une
montagne hostile qui avaient cours au XVIIIe
siècle.
Ces "Monts affreux...", tels que résumé par C.-E.
Engel, on
les
trouve presque mot pour mot dans cette petite phrase de transition :
"Dès qu'on y arrive [aux chalets de l'Alpe de Venosc], les
yeux,
encore fatigués des grandes horreurs de Saint-Christophe,
trouvent à se reposer sur un magnifique bassin de verdure".
Il
n'est pas mieux exprimé que l'auteur goûte mieux
la
prairie alpine aux sommets et glaciers de l'Oisans. C'est tout le
paradoxe de cet ouvrage qui arrive presque trop tard, alors qu'il
voulait justement faire connaître cette
région
montagneuse. Mais, ce n'est plus la même montagne
que
veulent connaître ses contemporains. Il suffit de comparer
ces
lignes aux premiers textes et guides d'Adolphe Joanne (en 1860 dans le Tour du Monde
ou en 1863, dans le premier guide Joanne de la région) pour
voir que l'on vient de changer d'époque dans la vision de la
montagne, en particulier lorsque on l'applique
à l'Oisans.
Pour finir et illustrer notre propos, il suffit de lire le chapitre
consacré à la Grave. On y parle du village, des
glaciers,
de la pauvreté du pays, mais jamais de la Meije, comme si
elle
n'existait pas. Comme son lointain prédécesseur
sur cette
route, Colaud de la Salcette, la fascination pour les glaciers
masque les sommets qui les surmontent. Colaud
écrivait en
1784 (voir ici),
le Dr Roussillon 70 ans plus tard !
Pour être complet, il parle
une seule fois
plus explicitement des sommets, lorsqu'il évoque la
vue
depuis le Galibier : "A cette hauteur, les sommités qui
couvrent
l'horizon ressemblent à de gigantesques fantômes,
errant
dans l'espace et rapprochant du spectateurs leurs fronts
menaçants. On les regarde avec une sorte de complaisance
mêlée d'effroi; on prend un secret plaisir
à se
trouver presque leur égal. Tout autour d'eux, une
immensité silencieuse et terrible imprime à
l'âme
des émotions qu'il faut avoir senties pour les comprendre".
(p.
131)
Ce court extrait donnera un
aperçu du style
de l'auteur. On y retrouve sa pensée fixe de comparer
l'Oisans
à la Suisse.
"Cet
aspect général de la vallée d'Oisans
n'a pas, il est vrai, le charme de
certaines vallées suisses, mais il n'en a pas non plus la
monotonie des
couleurs. Là, ce sont des toiles brillantes qui n'expriment
souvent
qu'un seul sujet; ici, au contraire, c'est une succession de tableaux
dont chacun contient tous les genres à la fois. Si le regard
n'est pas
toujours égayé, la pensée est
continuellement excitée, l'imagination
toujours satisfaite, par cet appareil de contrastes pompeux".
En
lisant ces quelques mots, on comprend qu'Adophe Joanne, dans une
critique sévère de l'ouvrage, note qu'on
trouve des phrases
inutiles et que le Dr Roussillon devrait visiter
la Suisse avant de la comparer à l'Oisans.
L'ouvrage se termine par
un chapitre plus spécialement consacré
à L'Hiver en
Oisans
(pp. 151-154), avec une évocation des avalanches, "ce
spectacle
jette autour de lui l'épouvante". Tout cela pour conclure
une
nouvelle fois sur "tant d'affection pour le pays natal" des habitants
du lieu, malgré les dangers qui les menacent.
En fin d'ouvrage, Table (pp. 155-159).
La même année,
deux auteurs consacrent
un livre à l'Oisans, tous les deux dans le but de le faire
connaître, mais avec des sensibilités et un style
différent. Le Dr Roussillon annonce
lui même l'autre ouvrage dans une note (p. 114) :
"Il vient d'être
publié, depuis peu, un Essai
descriptif de l'Oisans,
par M. Albert, avocat. Dans cet ouvrage, l'auteur s'attache
à
décrire, d'une manière exclusive, la
vallée de la
Romanche et les lieux parcourus par la route de Briançon, et
il
le fait avec une richesse d'imagination bien propre à
solliciter
la curiosité. Le Guide
du voyageur en Oisans
s'applaudit d'avoir été
précédé dans
ce trajet par un indicateur aussi habile et aussi
particulièrement dévoué. Quoique
n'appartenant pas
à l'Oisans, M. Albert, qui a eu à le traverser
maintes
fois, l'a vu et étudié sous ses divers rapports,
et n'a
pu rester indifférent à ses beautés
comme à
ses besoins et à ses revers; aussi, il en parle avec un
enthousiasme et un intérêt presque filials. Ce
pays,
à son tour, gardera le souvenir des pensées
généreuses qui ont dicté à
M. Albert des
pages aussi remarquables." (p. 114)
Il s'agit de :
Essai
descriptif sur l'Oisans, suivi de Notices particulières sur
la
Faune, les Forêts, la Botanique et la Minéralogie,
par MM.
Bouteille, Viaud, Alb. Gras et J. Thevenet.
Grenoble, Maisonville, Imprimeur-Editeur, 1854, in-8°,
[4]-204-XVIII pp.
Ces deux ouvrages ont fait l'objet d'une critique commune d'Adolphe Joanne. A propos de celui du Dr Roussillon : "Ce guide, rédigé avec conscience par un homme intelligent qui possède bien sa matière, est un immense service rendu aux voyageurs français ou étrangers désireux de visiter l'Oisans", critique positive qu'il tempère : "on y trouve un certain nombre de phrases inutiles, et on y cherche parfois en vain des renseignements pratiques :— distances , auberges , voitures, guides, — qui devraient y abonder. Enfin l'auteur a un tort bien pardonnable sans doute, mais qu'on doit lui signaler : il vante trop son pays aux dépens de la Suisse. Sans contredit l'Oisans a un caractère particulier, il mérite d'être visité même après l'Oberland bernois, même après les Grisons; mais c'est faire preuve ou d'une partialité blâmable ou d'un goût suspect, que de préférer l'Oisans à la Suisse. Que M. Roussillon aille explorer les glaciers du mont Rose, par exemple". Il poursuit sur la médiocrité de l'accueil. La critique de l'ouvrage d'A. Albert est plus favorable.
Les illustrations
L'ouvrage contient neuf lithographies.
Les planches I, VIII et IX sont des
reproductions des lithographies 28, 98 et 108, de l'Album
du Dauphiné,
d'après des dessins de Victor Cassien. Cela n'est pas
indiqué. Toutes les lithographies ont
été
produites par R. Philisdor, à Genoble. Certaines sont
signées O. Deront.
La planche IX, où l'on devine la Meije au deuxième plan, est référencée par Paul Guillemin dans son ouvrage La Meije dans l'image, sous le numéros 17. Il note que "C'est une réduction et une contrefaçon" de la planche de l'Album du Dauphiné.
Divers
La page de titre annonce 8 lithographies et la couverture en annonce 9, ce qui correspond à la composition réelle de l'ouvrage.
La bibliothèque de Marseille
annonce un
exemplaire avec 12 planches hors texte. Il s'agit probablement d'un
exemplaire truffé de planches supplémentaires par
un
amateur.
Réédition
Grenoble, Presses universitaires de
Grenoble,
1979, in-8° (219 x 134 mm), [8]-XI-159 pp, 11 planches
hors-texte
et une carte, couverture illustrée en couleurs, collection
"L'empreinte du temps", préface de Roger Canac. Cette
édition reproduit les planches I, IV, V, VI, VII et
IX de
l'édition originale. Les cinq autres planches et la
couverture
reproduisent des gravures ou lithographies contemporaines et une
photographie ancienne en noir et blanc. Elle ne contient pas non plus
le texte liminaire. (BNF : 8-LK2-10755 (2))
Pour agrandir, cliquez sur la photo |
Références
(Voir
: Liste des sources et
références)
Notice biographique de Joseph-Hyacinthe
Roussillon
Critique d'Adophe Joanne dans L'Athenaeum
français, 1854, t. III, pp. 1077-1078 : cliquez-ici
Perret : 3801 : "Un des premiers guides
de l'Oisans
: il décrit les sites pittoresques et le patrimoine naturel
et
historique, mais ne traite pas de l'ascension des montagnes.
Ouvrage peu courant et recherché en édition
originale."
Perrin : 741 : "Ouvrage devenu peu commun et dont
l'intérêt n'a pas plus cessé que celui
de l'ouvrage
d'Arist. Albert dont il est le contemporain".
Maignien (Catalogue) : 303, un exemplaire sur papier fort et
un sur papier ordinaire.
Guillemin : 7228
BNF : 8-LK2-1301