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Alexandre Surell,
Ingénieur des Ponts et Chaussées.
Etude sur les torrents des Hautes-Alpes.
Description de l'exemplaire (Voir : Notes sur la description des ouvrages)
Paris,
Carilian-Gœury
et Vor Dalmont, Editeurs, 1841 In-4° (271r x 215r mm), XIX-283-[1] pp. 6 planches dépliantes hors-texte contenant 15 figures. |
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Notes sur l'exemplaire
Demi basane aubergine, dos lisse richement orné de fleurons et de filets dorés, toutes tranches marbrées.
Notes sur l'ouvrage
Ouvrage fondateur sur l'étude des torrents de montagne,
les ravages et dégâts qu'ils occasionnent et sur les moyens de prévention
à mettre en œuvre. Les quatre premières parties sont une étude des
torrents : description, classification des torrents de montagne, formation
et phénomènes violents, moyens de s'en défendre, impacts sur le tracé des
routes et des ponts, etc. La dernière partie est la proposition de
différentes mesures et actions à engager pour se protéger des effets
dévastateurs des torrents. L'étude porte sur les torrents des
Hautes-Alpes, que l'auteur connaissait bien, mais les moyens proposés
peuvent s'appliquer à tous les torrents de montagne.
Le contenu détaillé de l'ouvrage est le suivant :
Avertissement
(pp.V-VI). L'ouvrage a été écrit en 1838, après deux années passées dans
les Hautes-Alpes. Initialement prévue pour être publiée dans les Annales
des ponts et chaussées, l'étude a pris plus d'ampleur et fait
l'objet de cet ouvrage publié « par
ordre de M. le Ministre des travaux publics.
» Cet avertissement est daté d'Embrun le 31 mars 1841.
Table des matières
(pp. VII-IX).
Introduction (pp. XI-XIX). En poste à Embrun Alexandre Surell a découvert le phénomène des torrents et leur importance dans la géographie locale. Il est parti du constat qu'ils sont « le plus cruels des fléaux » pour ce pays pauvre en terres cultivables. D'autres départements sont concernés, en particulier les Basses-Alpes, dans l'Ubaye, mais les torrents « ne sévissent nulle part avec autant de fureur dans ce dernier pays [les Hautes-Alpes]; et c'est dans l'arrondissement d'Embrun surtout qu'ils se montrent en plus grande abondance ». Par ailleurs, le phénomène torrentiel n'avait jamais été étudié, sauf dans un ouvrage de 1797 : Essai sur la théorie des torrents et des rivières, par Jean-Antoine Fabre, Paris, Bidault, an VI. A. Surell reproche à cet ouvrage son côté trop théorique et pas suffisamment étayé par l'observation. Il a donc été conduit à faire une synthèse de ses connaissances sur les torrents des Hautes-Alpes pour les ingénieurs des Ponts et Chaussées envoyés dans ce département, ses successeurs, afin de leur donner les moyens de lutter contre les ravages des torrents. Il souhaite aussi appeler l'attention sur ce département pour lequel rien n'a encore été fait, alors que le « devoir [de l'administration] est de veiller à la conservation de son territoire ».
Première partie.
Description des torrents. (pp. 1-38). Description des différents
types de torrents et des différentes sections des torrents, avec un
chapitre particulier sur les lits de déjection. Il propose une
classification en trois genres. Il se fonde sur ses observations des
torrents des Hautes-Alpes. Cette partie contient la liste de quelques
crues de torrents du département dans les années 1830.
Deuxième partie.
Défenses employées contre les torrents. (pp. 39-83). L'auteur
expose et discute les différents moyens à mettre en œuvre pour se
préserver des effets catastrophiques des torrents. Ces moyens sont
les barrages, digues, murs, levés, etc., ainsi que les actions sur le
cours ou le lit du torrent. Il discute en particulier les propositions de
M. Fiard, de Gap. Une loi du 4 thermidor An XII, propre aux Hautes-Alpes,
a légiféré sur l'organisation des riverains des torrents et sur la
démarche à suivre pour mettre en place ces défenses.
Troisième partie. Des
torrents considérés par rapport aux routes et aux ponts. (pp.
85-100). Considérations sur les difficultés propres à la construction des
routes et des ponts au passage des torrents.
Quatrième partie. Cause de la formation et de la violence des torrents. (pp. 101-156). Alexandre Surell étudie l'impact du climat, de la nature géologique du terrain et de la topographie des bassins sur la violence destructrice des torrents. Ensuite, en quatre chapitres, il en arrive au cœur de sa thèse : l'influence de la forêts et de l'état des prairies sur les phénomènes torrentiels : Influence des forêts sur la formation des torrents. (chapitre XXVI), Influence des forêts sur l'extinction des torrents. (chapitre XXVII), Dépérissement des forêts. (chapitre XXVIII), et Défrichements et dépaissances. (chapitre XIX). Il applique ces observations au cas du Dévoluy. Il prépare ainsi la présentation des solutions qu'il entend proposer dans la dernière partie.
Cinquième partie. Des moyens à opposer aux torrents. (pp. 157-242). Dans ces chapitres, Alexandre Surell développe sa thèse principale : c'est par le reboisement que l'on arrivera à l'extinction des ravages que causent les torrents et que l'on empêchera l'apparition de nouveaux torrents. Il envisage tous les aspects du problème : d'abord, les aspects techniques du reboisement, puis les mesures législatives et réglementaires qui garantiraient le cadre dans lequel doivent se dérouler ces opérations. A la fin, il plaide pour une action volontariste de l’État dans la conduite et le financement de la politique de reboisement. Il aborde, plus succinctement, la réglementation sur le droit de pâturage.
Notes. (pp.
243-280). Ce sont vingt notes qui précisent certains points du texte. La
note n° 3 décrit le phénomènes courant dans les Hautes-Alpes des
Demoiselles coiffées. La note n° 12 rappelle que les Hautes-Alpes
contiennent les plus hautes montagne de France et que c'est la seule
région où se trouve de « véritables » glaciers. Il attribue l'altitude
de 4 275 m. au Pelvoux, qu'il
considère comme la plus haute montagne de France. La dernière note est un
extrait de Des intérêts matériels de la
France, du saint-simonien Michel Chevalier, qui plaide en faveur
de l'action de l’État pour la « replantation » de forêts dans les Alpes, les
Pyrénées, les Vosges et les Landes.
Explication des
planches. (pp. 281-283). Explication du contenu des 15 figures
regroupées en 6 planches dépliantes hors texte (voir ci-dessous). La
figure 15 (planche VI) est une carte des torrents qui sortent du Mont
Saint-Guillaume, au-dessus d'Embrun, basée sur la carte de Cassini.
Errata. (p. 284).
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Cet ouvrage a fait l'objet d'une deuxième édition, avec une suite par
Ernest Cézanne, parue en deux volumes en 1870 et 1872.
Etude
sur les torrents des Hautes-Alpes. Deuxième édition avec
une suite par Ernest Cézanne, Ingénieur des Ponts et Chaussées.
Paris, Dunod, Éditeur, 2 volumes in-8°
Tome I : 1870, [8]-XII-317-[4] pp., 4 planches dépliantes hors texte
Tome II : 1872, [4]-XVI-382-[4] pp., 11 figures dont 10 dans le texte et
une figure double page hors texte, nombreux tableaux dans le texte, deux
cartes entoilée dépliantes en couleurs hors texte.
Cette étude est largement évoquée dans la
notice biographique d'Alexandre Surell, par M. Noblemaire (Paris, Dunod,
1887). Il rappelle qu'Alexandre Surell, ingénieur des
Ponts-et-Chaussée, est nommé ingénieur ordinaire à Embrun dans les
Hautes-Alpes en 1836, qu'il quitte en 1842, pour rejoindre un
service spécial mis en place après les inondations catastrophiques du
Rhône en 1840. Il attribue la genèse de cet ouvrage à un «
intérêt particulier qu'éveilla dans son esprit chercheur la
pauvreté même du pays, la situation déplorable, et pour beaucoup de
personne irrémédiable, que faisait aux ingénieurs chargés des travaux
publics une nature se jouant de leurs efforts et les condamnant au rôle de
Sisyphe dans leur lutte incessante contre les torrents.
» (pp. 8-9). Après avoir rendu hommage à la «
sagacité » et à «
l'irréfutable rigueur »
de cette « œuvre classique et
parfaite », il donne une
analyse du livre, illustrée de nombreux extraits (pp. 10-24). Il précise
que l'administration fit imprimer l'ouvrage à ses frais en
1841, qu'il valut la légion d'honneur à son auteur et qu'il reçut en
1842 le prix Monthyon. Il étudie ensuite l'influence déterminante de cet
ouvrage sur les différentes lois sur le reboisement et le gazonnement des
montagnes en 1860, 1864 et 1882 et sur l'action des différents ingénieurs,
en particulier Prosper Demontzey. (pp. 24-28).
En effet, cet ouvrage fondateur a eu une influence
importante et persistante sur les politiques de reboisement des montagnes,
qui firent l'objet de plusieurs lois et d'une organisation qui prit le nom
de Restauration des Terrains de Montagne (RTM) après la loi de 1882.
Une bonne synthèse sur cette politique se trouve dans l'ouvrage : Restaurer
la montagne. Photographies des Eaux et Forêts du XIXe siècle, 2004,
paru à l'occasion d'une exposition présentée au Museon Arlaten,
d'Arles, qui exploite les fonds photographiques des Eaux et Forêts, riches
en clichés qui illustrent les travaux de reboisement dans les Alpes
(Hautes-Alpes, Alpes de Haute-Provence et Alpes-Maritimes). Dans De la politique française de restauration
des terrains de montagne à la prévention des risques naturels
(pp. 15-22), Gérard Brugnot et Yves Cassayre donnent un historique de
cette politique depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu'à nos
jours. Ils replacent cet ouvrage dans cette histoire : «
Alexandre Surell, en 1841-1842, écrivait ce que l'on peut
considérer comme la première somme technique sur les phénomènes érosifs » (p. 16). Dans la suite de
l'article, ils signalent qu'en 1847, peu de temps après la parution de
l'ouvrage de Surell, un premier projet de loi fut repoussé par le
Parlement sous la pression du « lobby agropastoral
». Ce sont les inondations catastrophiques et d'ampleur nationale
de 1856 qui permirent de faire passer la première loi de reboisement en
1862, suivie par la loi de réengazonnement des montagnes en 1864, puis par
la loi de restauration des terrains de montagne en 1882. A la fin de
l'ouvrage, la notice biographique d'Alexandre Surell (p.
182) signale que cet ouvrage « définit
les principes fondamentaux de la restauration des terrains en montagne en
préconisant une approche centralisatrice et volontariste, qui aboutira aux
lois de 1860, 1864 et 1882 ».
La notice se termine par : « Il
[A. Surell] est souvent considéré comme le père spirituel des forestiers
reboiseurs. »
Il ouvrit la voie à de nombreux travaux complémentaires
sur les torrents et les phénomènes torrentiels. Par exemple, en 1850, Scipion Gras a étudié le problème plus
particulier de l'exhaussement des lits de déjection, en l'appliquant au
cas de la plaine de Bourg d'Oisans :
Exposé
d'un
nouveau système de défense contre les cours d'eau torrentiels des
Alpes et application de ce système au torrent de la Romanche dans le
département de l'Isère.
Paris, Carilian-Gœuri et Vr Dalmont, Libraires; Grenoble, Chles
Vellot et Compie, Libraires 1850, in-8°, [4]-114 pp., deux
planches dépliantes hors-texte in fine.
qu'il compléta en 1857 :
Etudes
sur les Torrents des Alpes, Paris, Victor Dalmont, Éditeur,
1857, in-8°, [4]-108 pp., une planche dépliante hors texte.
L'ouvrage, qui apporte la première synthèse complète sur les moyens de prévention à mettre en œuvre, en particulier le reboisement des montagnes, est l'étude de Prosper Demontzey : Traité pratique du reboisement et du gazonnement des montagnes, 2e édition, Paris, 1882. Ce recueil de six ouvrages sur le reboisement et le gazonnement des montagnes donne quelques textes sur les lois de 1860 et 1864, ainsi que des ouvrages qui traitent du reboisement. Ils font le lien entre la promulgation des lois et la synthèse de Prosper Demontezy.
L'étude de géographie historique de Philippe Arbos, La légende du Dévoluy, Grenoble, 1919
bat en brèche la légende d'une région appauvrie par le déboisement et le
surpâturage. Il remet en cause les affirmations d'Alexandre Surell sur le
déboisement du Dévoluy, comme cause de l'appauvrissement du pays (pp.
9-16). Il attribue un influence déterminante à l'ouvrage du juge Collin
sur l'image malheureuse du Dévoluy, dont il pense qu'il a influencé A.
Surell, soit directement, soit par l'intermédiaire des ouvrages du baron
Ladoucette qui a repris la description et les idées de Collin sur le
Dévoluy sans beaucoup de recul.
L'ouvrage a été publié par le libraire d'origine briançonnaise, Michel-Antoine Carilian.
Commentaire personnel
Ouvrage fondamental, d'une lecture toujours instructive,
sur un phénomène que tous les amoureux de la montagne connaissent. Qui n'a
pas été impressionné par la puissance d'un torrent ou, s'il a eu
l'occasion de le voir, par un phénomène torrentiel ?
Ouvrage au demeurant particulièrement rare.
Références (Voir : Liste des sources et références)
Notice biographique d'Alexandre
Surell
Notice sur le libraire Carilian-Goeury.
Exemplaire numérisé, sur Google Books.
Restaurer la montagne. Photographies
des Eaux et Forêts du XIXe siècle. Arles, Museon Arlaten, Paris, Somogy Éditions, 2004, in-8° (230 x 230 mm) 188 pp., 230 illustrations. Sur cet ouvrage, voir : http://etudesphotographiques.revues.org/index96.html http://www.galerie-photo.com/reconstruire-la-montagne.html |
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Pour ceux qui veulent aller plus loin sur le reboisement
des montagnes, la thèse de doctorat de Frédéric Fesquet est consultable en
ligne : Un
corps quasi-militaire dans l'aménagement du territoire : le corps
forestier et le reboisement des montagnes méditerranéennes en France
et en Italie aux XIX et XXèmes siècles. Université Paul Valéry,
Montpellier III, Novembre 1997, 3 vol., 992 p. Alexandre Surell est
largement évoqué, en particulier à partir de la p. 152 de la 1ère
partie.
Perret : 4169 : "Un ouvrage de référence sur
l'hydrographie des Hautes-Alpes et le rôle des forêts sur l'hydrologie des
cours d'eau". "Livre rare et recherché, qui fait encore autorité".
Perrin : 792
Guillemin : 5016
BNF : S-8787