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PAGE THÉMATIQUE : Dialectes et patois du Dauphiné

[Blanc la Goutte]

Epitre en vers, au langage vulgaire de Grenoble, sur les réjoüissances qu'on y a faites pour la Naissance de Monseigneur le Dauphin.
A Mademoiselle ***

Description de l'exemplaire  (Voir : Notes sur la description des ouvrages)

Grenoble, Pierre Faure Imprimeur-Libraire,
M.DCCXXIX [1729], in-4° (233r x 180 mm), 22-[2] pp.
Fleuron au titre avec les initiales AF.
Epitre en vers, au langage vulgaire de Grenoble, sur les réjoüissances qu'on y a faites pour la Naissance de Monseigneur le Dauphin : titre Epitre en vers, au langage vulgaire de Grenoble, sur les réjoüissances qu'on y a faites pour la Naissance de Monseigneur le Dauphin : reliure
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Notes sur l'exemplaire

Plein vélin crème, double filet doré en encadrement sur les plats, monogramme doré sur les plats (AL), dos lisse avec titre doré en long et deux fleurons dorés, tranche de tête rognée et dorée, autres tranches dorées sur témoins (uniquement pages de garde).

Monogramme sur les plats (non identifié) :

Epitre en vers, au langage vulgaire de Grenoble, sur les réjoüissances qu'on y a faites pour la Naissance de Monseigneur le Dauphin

Notes sur l'ouvrage

Premier texte en patois de Grenoble publié par Blanc la Goutte en 1729. C'est le récit des festivités données en la ville de Grenoble en l'honneur de la naissance de Louis, Dauphin de France, fils de Louis XV, né le 4 septembre 1729 au château de Versailles. Le poème est dédié à une demoiselle qui est l'amoureuse du poète. Alors qu'ils devaient se retrouver pour ces fêtes, elle ne vient pas : « Je t'atendy long-temp ».  Il entreprend alors de lui conter ces « réjoüissances » en patois. La suite du poème est le récit de ces journées qui débutèrent le samedi soir 24 septembre pour se terminer le mardi 27 septembre. Elles se prolongèrent par une soirée de théâtre gratuit le jeudi 29 septembre et un bal le dimanche 2 octobre. Dans les quelques mots adressés à son amoureuse à la fin du poème, il exprime ce vœu : « Dieu volie que din pou, je te veïeso epousa » [Que Dieu veuille que sous peu je te voie mon épouse].

L'ouvrage contient : 
- Titre (p. [1]) 
- Page blanche (p. [2])
- Texte (pp. 3-22) 
- Feuillet blanc

Détail du contenu du texte : 
1-14         Un couple qui ne peut se retrouver pour la fête.
15-27       Les préparatifs dans les rues.
28-38       A la cathédrale, la messe pontificale.
39-86       La procession.
87-98       Le grand dîner à l'évêché et les autres repas.
99-126     La nuit, illumination de la ville.
127-146   Le lundi matin, la fête continue.
147-162   À midi, le repas à l'Arsenal.
163-178   La parade militaire.
179-276   La liesse populaire autour de deux feux de joie.
277-314   Le mardi : aumônes, repas et cérémonies religieuses.
315-340   Le mardi soir : feu d'artifice.
341 -366  L'Olympe s'inquiète ; un orage éteint le feu d'artifice.
367-390   Sauve-qui-peut et grande soirée chez l'Intendant.
391-398   Jeudi, théâtre gratuit pour tous.
399-418   Bal au Jardin de Ville.
419-430   Quelques mots personnels à Mademoiselle***.
431-434   Salutation finale.

La première page contient l'évocation de ce rendez-vous raté entre le poète et son amoureuse, qui l'a laissé« Cretin ».


Epitre en vers, au langage vulgaire de Grenoble, sur les réjoüissances qu'on y a faites pour la Naissance de Monseigneur le Dauphin
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Transcription du texte introductif reproduit ci-dessus (vers 1-14) :
Te m'aya ben promey de quitta tou zafare,
Quan te sauria lo jour qu'on farit le fanfare.
Je t'envoyi Piarrot t'u dire de ma part.
Je t'ally v devan divendre su lo tart,
Je t'atendy long-temp. N'y faliet pa songié,
Je me couchy cretin, san beyre ny migié.
Te vin de me manda que te n'u pa leizy,
Que si je t'écrivin, je te farin pléizy,
Te vodria lo detalde touta cela fêta.
Pe te lo fare bien, faudrit un autra têta.
Faziet biau vey, ma Pouta, et pe te contenta,
Du mieu que je sourey, je tu voy raconta,
En patoy, san façon, te m'ordone d'écrire,
D'acord; mais su ma fey t'ourez pena du lire.

Traduction (G. Tuaillon) :
Tu m'avais bien promis de quitter tes occupations, 
Quand tu saurais le jour où l'on ferait la fête. 
Je t'ai envoyé Pierrot te le dire de ma part; 
Je suis allé à ta rencontre, vendredi sur le tard, 
Je t'ai attendue longtemps. Mais il n'aurait pas fallu y songer, 
Je me suis couché tout bête, sans boire et sans manger. 
Tu viens de me faire savoir que tu n'as pas eu le temps, 
Que, si je t'écrivais, je te ferais plaisir
Et que tu voudrais le détail de toute cette fête.
Pour te faire un bon récit, il faudrait une autre tête.
Que c'était beau à voir, nia Petite ! Et pour te contenter,
Du mieux que je pourrai, je vais te le raconter.
En patois, tout simplement, tu m'ordonnes d'écrire.
D'accord; mais tu auras, ma foi! de la peine à le lire!

Ce poème a été largement étudié par G. Tuaillon dans la publication des œuvres complètes de Blanc la Goutte : Blanc la Goutte, Poète de Grenoble. Œuvres complètes. Grenoble, Le Monde Alpin et Rhodanien, 4/2002 : pp. 62-67, pour l'introduction du texte et pp. 68-92, pour la transcription du texte original et la traduction en français.

Dans cette même étude, G. Tuaillon identifie le poète Blanc la Goutte comme étant André Blanc (1690-1745) et non pas François Blanc (1662-1742), comme cela a été longtemps avancé. Parmi les arguments développés, ce poème amoureux lui semble plus correspondre aux sentiments d'un homme de 39 ans, comme André Blanc, qu'à ceux d'un homme de 67 ans environ comme François Blanc. En 1729, André Blanc était marié avec Jeanne Reboul. Le 29 avril 1738, il épousa Dimanche (ou Dominique) Blanc, la fille de François Blanc, 25 jours après le décès de sa première épouse. Il est tentant de penser qu'en 1729, bien que marié, il était déjà amoureux de sa voisine Dimanche Blanc qu'il s'empressa d'épouser dès le décès de sa première femme. Ainsi, Mademoiselle *** serait Dimanche Blanc, la fille de celui que l'on a longtemps considéré comme étant Blanc la Goutte.

Histoire du texte et de ses publications

Cette édition 1729 est la première publication de ce texte. Il est anonyme.

Il a ensuite été repris dès 1740 dans le Recueil de poésie, en langage vulgaire de Grenoble, contenant l'Epitre à Mademoiselle *** sur les réjouissances à l'occasion de la Naissance de Monseigneur le Dauphin, Grenoblo malherou & le Jacquety de le Comare, pp. 3-14 (voir un exemplaire : cliquez-ici).

Il faut ensuite attendre 1809 pour que texte soit exhumé par J-J Champolion-Figeac dans ces Nouvelles recherches sur les patois ou idiomes vulgaires de la France et en particulier sur ceux du département de l'Isère. Celui-ci considère cette pièce comme "une des meilleures de notre littérature indigène." (p. 97) et la reproduit entièrement dans l'Appendix, sous le n° VIII (pp. 131-146), avec ce commentaire : « Cette épître est oubliée à Grenoble et n'y est plus connue. L'exemplaire que j'ai sous les yeux appartient à la Bibliothèque Impériale. Cette circonstance m'a engagé à la publier. Son auteur n'est pas nommé, et mes recherches à cet égard ne m'ont rien appris. » (p. 131). 

Malgré cela, il sera toujours le poème oublié de Blanc la Goutte. Certes, en 1835, Colomb de Batines l'attribue pour la première fois à Blanc la Goutte, suivant en cela l'opinion d'Amédée Ducoin qui a l'intuition que ce texte est du même auteur que celui de Grenoblo Malherou. Il le recense sous le n° I de sa Bibliographie des patois du Dauphiné (pp. 1-2) : « Cette pièce, une des meilleures de celles qui ont été écrites en langage vulgaire du Dauphiné, est anonyme ; je l'attribue à Blanc-la-Goutte, d'après M. Ducoin, bibliothécaire de Grenoble, qui trouve beaucoup de ressemblance entre son style et celui du Grenoblo malherou, pièce du même auteur imprimée quatre ans plus tard et également sous le voile de l'anonyme. Elle a été reproduite par M. Champollion dans ses Recherches (pag. 131-146). ». Cette attribution à Blanc la Goutte a ensuite été reprise par Rochas, dans sa Biographie du Dauphiné.

En dépit de cet avis très favorable, Colomb de Batines ne reprendra pas ce texte dans ses publications des Poésies en patois du Dauphiné (1840 et 1859). J.-J.-.A. Pilot de Thorey ne le reproduit  pas plus dans son Grenoble inondé, 1859, qui contient pourtant la première étude sur Blanc la Goutte. Il cite l'Epître dans la bibliographie (p. 57), mais ne juge pas utile de l'inclure, alors qu'il donne les autres œuvres du poète. Enfin, Diodore Rahoult ne met pas son talent d'illustrateur au service de ce texte dans son édition du Grenoblo Malherou (1864), dans laquelle, comme Pilot de Thorey, il reproduit tous les autres poèmes de Blanc la Goutte. Cette désaffection pour le texte s'explique-t-elle par la contradiction entre le ton de cette Epître – celui d'un poème d'amour par un homme encore jeune – et l'âge apparent de François Blanc, tel qu'il a été identifié par Pilot de Thorey et illustré par Rahoult comme un vieillard. Les deux images ne cadrant pas entre elle, le mieux était peut-être de faire l'impasse sur ce texte.

C'est peut-être pour résoudre cette contradiction que J. Lapaume modifie sans prévenir la date et l'objet de l'événement que célèbre ce poème, dans l'édition avec traduction et notes qu'il en donne dans son Anthologie nouvelle autrement Recueil complet des poésies patoises des bords de l'Isère. Tome IVe et dernier,miscellanées, 1866, pp. 175-202. Pour lui, la naissance fêtée est celle du duc de Bourgogne, fils de Louis XIV, né en 1682. D'ailleurs, il dénie la paternité du poème à Blanc la Goutte, qu'il n'apprécie pas, sans apporter d'arguments. Il le situe dans le temps comme contemporain des poèmes de J Millet et Laurent de Briançon (p. 488), ce qui explique qu'il ait changé l'évenement fêté pour le faire correspondre à cette datation. En revanche, à la différence du Grenoblo Malherou, il a respecté l'orthographe de l'originale, à quelques variétés typographiques près :  remplacer certains u en v, ou j en i.

C'est Albert Ravanat qui attribue définitivement ce poème à Blanc la Goutte dans l'édition qu'il en donne en 1890 sous le titre Grenoblo hérou, autrement dit « Grenoble heureux ». Dans cette plaquette, il est le premier à remettre en cause l'identification de Blanc la Goutte comme François Blanc, sur la base d'une lettre trouvée dans l'exemplaire du Grenoblo Malhérou qu'il avait acquis à la vente Genard. Grâce à cette même lettre, il apporte la confirmation de l'attribution de  l'Epître à Blanc la Goutte. Les auteurs qui avaient déjà avancé cette attribution (Colomb de Batines, Rochas, Pilot, Maignien, etc), n'avaient pas apporté de preuve formelle. Il donne ensuite le récit des fêtes qui ont eu lieu à Grenoble du 24 septembre au 2 octobre 1729 :  Blanc-la-Goutte et les Fêtes pour la naissance de Mgr le Dauphin. (pp. 18-26), puis la transcription de l'Epitre, sur l'édition originale, avec notes (pp. 27-48).  Il ne s'essaye pas à une traduction du texte.

Enfin, après une long silence de plus de cent ans, l'Epitre est de nouveau étudiée et publiée en 2002 par G. Tuaillon dans son étude : Blanc la Goutte, Poète de Grenoble. Oeuvres complètes. Grenoble, Le Monde Alpin et Rhodanien, 4/2002 (voir pp. 12-16, pp.  24-25 et, plus particulièrement, pp. 61-92).

Albert Ravanat signale qu'il existe deux autres ouvrages célébrant ces festivités. Le premier est « une petite plaquette de deux feuillets non chiffrés et imprimés en très petits caractères, où un auteur inconnu [...] décrit sous forme de lettre les divers épisodes des réjouissances. ». A. Ravanat l'attribue à Blanc la Goutte. Le deuxièmes est :  Relation des réjouissances faites à Grenoble au sujet de la naissance de Mgr le Dauphin ..., Grenoble, Giroud, 1729, avec un gravure représentant le feu d'artifice. (Maignien (Imprimerie) : 1002 et 1003).

Exemplaires

Il n'existe que deux exemplaires dans les bibliothèques publiques (CCFr) : BM de Grenoble, fonds Dauphinois (V.646) et Carpentras, Bibliothèque Inguimbertine (M 304 - Collection d'Inguimbert). J.-J. Champollion-Figeac dit : « L'exemplaire que j'ai sous les yeux appartient à la Bibliothèque Impériale. ». Cet exemplaire n'apparaît pas au catalogue de la BNF. Soit il a disparu depuis, soit Champollion parle en réalité de l'édition de 1740 qui est disponible à la BNF.

Il existe peu de mention d'exemplaires en vente publique. J'ai trouvé :
- Catalogue de la bibliothèque de feu M. Falconet, médecin consultant du Roi..., tome second, 1763
n° 11707
- Catalogue d'une jolie collection de bons livres anciens et modernes, 1842 :
n° 452 : non relié
- Description raisonnée d'une jolie collection de livres (nouveaux mélanges tirés d'une petite bibliothèque) par Charles Nodier, Paris, 1844 :
n° 623. mar. rouge. (Duru.) « Exemplaire non rogné d'une pièce rare. »
- Catalogue des livres composant la bibliothéque linguistique du marquis de La Ferté-Sénectère, 1873
n° 1027 : broché.
- Catalogue d'une importante bibliothèque composée d'ouvrages anciens, rares et précieux. Ancienne bibliothèque de D. de Salvaing de Boissieu.
n° 584 : demi-chagr. r. « Edit. originale, rarissime, de cette pièce attribuée au poète patois Blanc dit la Goutte, de Grenoble. » Adjugé : 12 frcs.

Il n'y a pas d'exemplaire dans les bibliothèques Genard (1882), Perrin (1903) et Lantelme (1904). Il y avait un exemplaire dans la bibliothèque Chaper.

De l'avis de tous, c'est un ouvrage particulièrement rare :
- Brunet, vol. 3, p. 767 : « Cet opuscule, devenu rare, passe pour une des meilleures pièces de patois dauphinois. 43 fr. en 1861. »
- Albert Ravanat, dans son édition du poème ( Grenoblo hérou) en 1890, précise : « Elle est fort rare et manque à la plupart des collections dauphinoises. » (p. 14).

Références  (Voir : Liste des sources et références)

Notice biographique de Blanc la Goutte.

Rochas : I, p. 142 : I
Maignien (Anonyme) : 854
Maignien (Catalogue) : 15865
Maignien (Imprimerie) : 1000

Autres références : voir ci-dessus.